Chapitre 1.5

12 2 45
                                    

Une nuit lente et ennuyeuse ponctuée de ronflements aiguës et de gestes incontrôlés ; Angie a dormi jusqu'au petit matin sur mon épaule.

Je n'ai pas pu fermer l'œil. Le poids de ma sœur en plus de ses petits bruits étaient trop déstabilisants pour mes habitudes de célibataire. Elle est partie à toute vitesse vers six heures après s'être souvenu d'une réunion importante à son boulot. À ce moment précis, j'imagine qu'elle est en train de se peindre le visage pour cacher les dégâts laissés par la petite soirée improvisée.

Et moi, je suis en retard.

Si j'en crois l'horaire communiqué par Abel, je devrais déjà être sur la route, coincé dans les bouchons matinaux. Au lieu de ça, je suis tout juste en train d'émerger de mon canapé, boosté par les miaulements de ma bête à trois pattes. Pour mon vrai premier jour, ça la fout mal.

– Allez, Wundt, on se dépêche. Je vais me faire tuer sinon.

La vilaine bestiole me fixe de son unique œil comme pour dire grouille toi tout seul, mec.

Si je continue à prêter une voix et une pensée à mon chat, c'est moi que l'on va envoyer en hôpital psychiatrique avec tous ces criminels qui plaident la folie pour ne pas être emprisonnés. J'imagine que c'est ce qui nous attend de toute façon, nous qui sacrifions notre vie à analyser les esprits de ceux que les médias appellent monstres.

Au pas de course, je file sous la douche après avoir nourri la créature à poils. Un petit quart d'heure plus tard – essoufflé mais en vie – me voilà dans ma voiture, à croiser les doigts pour qu'il n'y ait pas un accident ou une vieille mamie pour entraver la route.

Là c'est certain, le bourru à la tête chauve aura une bonne raison de me détester. Je devrais être au poste depuis une bonne dizaine de minutes.

Je jouerai la carte de la sœur éploré. Si ça n'atteint pas le cœur de Roman, ça devrait au moins toucher Abel. Enfin, j'espère.

La route est plutôt calme, on ne compte que quelques voitures, certainement celles de gens qui doivent être eux aussi en retard. Il n'y a rien d'autre à signaler. Même les feux semblent être de mon côté, ils sont tous au vert lorsque ma vieille carcasse métallique traverse la grande avenue ponctuée de magasins, d'un cinéma et d'un théâtre côte à côte en plus de quelques restaurants et d'un hôtel trois étoiles. Les soirs d'été, les rues sont bondées de monde. En hiver, c'est plutôt le calme plat.

J'arrive au poste plus rapidement que la veille mais impossible de rattraper tout le retard accumulé. Le parking est plein, mais je parviens tout de même à garer ma voiture de l'autre côté du parking à une place bien loin de l'entrée. Ma bonne étoile m'a tournée le dos.

Je cours à petite foulée pour rejoindre le bâtiment. L'horloge de la grande place non loin sonne neuf heures.

La fourmilière fourmille toujours autant de petits soldats bruyants, s'ajoute à ce grabuge le son des imprimantes en marche et des machines à café. Je cherche mes coéquipiers du regard avec le mince espoir de ne pas être le seul  à la bourre mais sans succès. J'avance alors vers le sous-sol avec l'horrible impression d'être un bœuf conduit à l'abattoir.

Une main sur mon épaule me stoppe à la volée alors que j'étais prêt à descendre. Je me retourne vivement, et fait face à une jeunette d'à peine vingt ans à première vue. C'est une jeune flic dans un uniforme un peu trop grand pour elle. Une bleue comme ils appellent ça dans le milieu.

– Si tu cherches les deux zigotos, ils sont dans la salle au fond sur ta gauche. Pas facile de faire passer des corps dans le sous-sol. Tiens, un café.

Royal Cobra (Tome 1)Where stories live. Discover now