Chapitre 1.6

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Le GPS me conduit tout droit dans une résidence pavillonnaire, légèrement excentrée de la ville mais proche de l'autoroute. Un petit coin tranquille pour ceux qui veulent éviter les désagréments du centre.

Il n'y a qu'une dizaine de maisons, quinze tout au plus. Elles sont toutes identiques architecturalement parlant, seules les couleurs des volets et de certaines façades changent. Les jardins qui bordent le devant des maisons sont eux aussi de même tailles et de même formes. Ce doit être facile de se tromper de domicile si l'on rentre éméché en pleine nuit.

La maison qui m'intéresse est mitoyenne à deux autres bâtisses, mais son jardin mal taillé et ses volets écaillés tranchent avec la netteté des logements de la résidence. Cette baraque est clairement laissée à l'abandon, à l'extérieur du moins. Je ne sais pas ce qui m'attend à l'intérieur mais je pense tomber sur un vieil alcoolique dépressif.

Pour la dépression, j'en suis quasiment certain. Je ne peux pas en dire autant pour l'alcool.

Il faut que j'arrête de juger à la hâte.

Une fois devant la porte d'entrée, l'odeur âcre du renfermé m'agresse les narines. C'est impossible que quelqu'un vive encore là. Mon prédécesseur se serait-il barré sans prévenir qui que ce soit ? Après tout, il n'y a pas de voiture stationnée dans l'allée, et la boîte aux lettres débordent de publicités. Je vais quand même toquer mais à mon avis, personne ne me repondra.

J'exécute une succession de coups sur la porte, et appuie plusieurs fois sur la sonnette au cas où. Je soupire, déçu d'avoir fait ces kilomètres pour rien. J'aurais certainement été plus utile au poste. Plus qu'à faire demi-tour et retourner d'où je viens.

Ça m'aurait plu de rencontrer un confrère.

– Qui c'est ?

Une voix rauque et tremblante s'élève de derrière la porte. Je sens sur moi un regard pesant, sans doute que quelqu'un m'observe à travers le judas.

La réalité de mon jugement semble se profiler. Au ton de sa voix et à l'attente qui a précédé la réponse du propriétaire je reconnais l'effet d'un alcoolisme de longue durée.

– Raphaël Perrin, Monsieur. C'est Abel qui m'envoie. Je suis le nouveau psychologue. J'aurais besoin d'informations supplémentaires alors si vous pouviez m'ouvrir, ce serait sympa.

Je prends ma voix la plus guillerette possible, bien conscient que rien n'oblige mon prédécesseur à me laisser entrer. Il pourrait tout simplement tourner les talents et m'abandonner devant sa porte. À sa place, c'est ce que je ferais.

L'auto-destruction que s'inflige cet homme a sûrement un lien avec l'enquête. Dans quel merde je me suis fourré ?

Après de longues minutes de silence, cinq peut-être, la porte finit par s'ouvrir. C'est un homme rachitique qui m'accueille. Son teint est gris, ses joues creusées, ses yeux pâles cernés de violet, ses mains tremblent, son regard m'évite. Un homme à la dérive, un triste sort pour quelqu'un qui a sûrement aimé son métier.

L'intérieur est aussi chaotique que l'extérieur. Une planche de bois bloque l'accès à l'étage. Une épaisse couche de poussière recouvre les meubles sur lesquels des cadres sont retournés de sorte à ne plus voir les photographies. Les murs semblent humides et une odeur de moisie flotte dans l'atmosphère. De plus les volets sont fermés, il n'y a que des ampoules au plafond pour illuminées les pièces. Ce n'est rien de plus qu'un taudis, pour ne pas dire un mouroir.

Mon prédécesseur m'invite à m'asseoir sur un canapé ramolli et creusé, sans doute l'endroit où il passe le plus clair de son temps. Il fait froid dans la maison. Les chauffages sont éteints et la cheminée donne l'impression de ne pas avoir servi depuis des lustres. Tout est resté figé comme s'il vivait dans le passé. Mais quel passé ?

Royal Cobra (Tome 1)Where stories live. Discover now