CHAPITRE 18

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— Je n’ai jamais vu un aussi grand assortissent de thé, et jamais je n’aurais cru que de la tisane pouvait être aussi délicieuse, s’étonna Suzanne tandis que Dorabella la raccompagnait.

— Le secret c’est la température de l’eau et le temps d’infusion.

— Oh non, je ne crois pas que je puisse arriver à la même maitrise que toi. Te regarder faire du thé et plus jamais on ne regarde ces petits sachets de la même manière. Et pour le cheval, comme je l’ai dit, tu n’as pas à t’inquiéter, tout sera prêt à l’orphelinat dans moins d’une semaine et les enfants pourront avoir leur surprise.

— Mais n’oublie pas de retirer la fausse corne, sinon le jour où elle tombera d’elle-même les plus jeunes risquent d’en être troublés.

— Il est vrai que passer d’une licorne à un cheval, il y a de quoi sombrer dans la dépression, plaisanta Suzanne dans un petit rire qui n’arracha à Dorabella qu’un sourire sans ardeur. Et après cela je vais passer une à deux fois par semaine pour les différents soins particuliers de l’animal. En attendant, je viens de le promener, je vais nettoyer son van avant de m’en aller.

— Merci.

— Je t’en prie, je ne fais que mon travail, et c’est toi que ces enfants vont remercier lorsqu’ils verront le cadeau que tu leur feras.

Dorabella sourit, d’un air distrait, elle regarda brièvement la jeune femme quitter la maison, puis comme toujours depuis quelque temps, son regard se posa sur la porte, et comme à chaque fois, son cœur se resserra. Se frottant les mains l’une contre l’autre, elle retourna dans la cuisine, rangea les tasses, avant de se saisir d’une bouteille d’eau. Dos au plan de travail, sa bouteille en main, son regard se perdit de nouveau dans le vide, et de toute sa volonté elle lutta contre toutes les pensées qui bataillaient pour assiéger son esprit. Quand elle était éveillée, c’était bien facile, mais une fois bercé par la nuit, c’était une tout autre histoire. Elle eut un léger sourire incrédule en débouchant sa bouteille, puis son mouvement fut suspendu. Percevoir une présence avant même de voir qui c’était, elle n’avait développé cette faculté que lorsqu’une certaine personne était entrée dans sa vie, et cette présence en question était toujours menaçante, comme s’il y’avait un danger que l’œil ne voyait pas mais que l’instinct n’entendait que très clairement.

Et il y’avait eu lui.

Seule sa présence lui faisait cet effet-là. Quand il arrivait elle se crispait, mais plus du tout de peur, quand il arrivait, son cœur s’emballait au contraire du fait d’un étrange mélange d’émotions, sa peau elle, s’embrasait, tel un doux sillon de picotement glissant le plus agréablement possible le long de sa nuque. Deux semaines qu’elle ne l’avait pas vue, ni entendue. Elle lui avait dit ne pas l’attendre, mais au fond d’elle elle avait menti, cet homme n’était pas de ceux que l’on pouvait effacer de sa mémoire. Il ne saurait être ignoré comme tous les autres.

Elle qui n’avait jamais aimé les portes, elle s’était prise à regarder le panneau de bois chaque soir, se demandant si c’était ce soir ou pas.

Aleksandr avança plus près, si près qu’elle savait qu’elle n’avait qu’à se retourner pour le surprendre à moins d’un mètre derrière elle, et cette proximité lui ôta toute force, aussi ne se retourna-t-elle pas. Sans se parler, ils restèrent ainsi. Son souffle devint plus vivant, ses mains plus moites, alors que partout en elle devenait à la fois sérénité et trouble.

— Je ne savais pas que tu avais un cheval, lança Aleksandr de sa voix naturellement profonde, basse, avec cette suave nonchalance qu’il n’usait que pour elle. La jeune femme ferma alors les yeux, les lèvres entrouvertes. Oui, sa voix en vrai était bien mieux que celle qu’elle entendait durant ses rêves nocturnes.

DOMINUM Le cœur du papillon Where stories live. Discover now