CHAPITRE 48

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Lorsqu’elle revint avec Nicolle sur ses talons, Dorabella surprit les deux cousins accoudés à l’ilot central de la cuisine à discuter à voix basse, probablement du russe. Ils semblaient tendus, plus Aleksandr que Iosef. Et dès qu’ils remarquèrent leur présence, ils se turent de concert et se retournèrent vers elles. Aleksandr abandonna son cousin et se leva pour les rejoindre. À ses côtés, Dorabella sentit Nicolle se tendre en reconnaissant incontestablement la nature dominante de Xander. Elle fit même mine de vouloir s’agenouiller, mais d’un regard froid, éloquent et direct, il lui ordonna le contraire sans qu’un mot ne sorte de sa bouche.

— Aleksandr, je te présente Nicolle. Nikki, Aleksandr.

À un pas derrière Dorabella comme pour se protéger, Nikki avait la tête baissée, les doigts se frottant l’un contre l’autre, et les épaules tendues. Elle ne bougea pas ni ne dit un seul mot.

— Tu n’as pas à te comporter comme si j’étais ton Maitre. Tu ne m’appartiens pas à ce que je sache.

Nicolle se rapetissa.

— Non, Monsieur. Veuillez me pardonner.

— Regarde-moi dans les yeux quand je te parle.

La tension émanant de la jeune femme s’accrut. Et difficilement elle leva les yeux, sans pour autant parvenir à soutenir le regard d’Aleksandr.

— Tu lui fait peur Aleksandr, l’avertit Dorabella sur un ton sec qui surprit Nicolle. Et ce qui surprit encore plus la soumise, fut de voir que le dominant ne paraissait pas en colère de son ton, bien au contraire, l’aura qui émanait de lui diminua. Elle lui avait donné un ordre, et il avait obéi ! Nicolle couva Dorabella d’un regard curieux.

— Alors qu’est-ce qu’on mange ? demanda Dorabella en regardant tour à tour les deux cousins qui semblaient se rappeler que l’être humain avait besoin de manger.

— Je vais commander quelque chose.
Dorabella grimaça, et Aleksandr la connaissant suffisamment arrêta son cousin qui partait déjà chercher le téléphone.

— Ma Dorabella n’aime pas les repas commandés.

Il se retourna et en dépit de la froideur qui émanait de la blonde à son encontre, il perçut une certaine chaleur qu’avait crée son jeu de mots parfaitement involontaire.

— Alors nous allons tous mourir empoisonnés parce qu’aucun homme de la famille ne sait cuisiner.

— Parle pour toi Iosef.

Dorabella sourit face au sérieux d’Aleksandr.

— Savoir écraser des œufs dans une bassine ne compte pas.

— Une omelette Iosef, c’est ainsi que ça s’appelle, et c’est dans une poêle pas une bassine.

— C’est la même chose, rétorqua calmement Iosef avec son lourd accent d’un air qui montrait qu’il s’en fichait.

Dorabella gloussa et Nicolle laissa même échapper un sourire.
— Je vais cuisiner.

Nicolle se dandina en regardant à la volée Iosef.

— Je ne sais pas si je…

— Tu restes, la coupa Iosef.

Le trio s’échangea un regard que Dorabella ne comprenait toujours pas, et une fois encore elle se retint de parler. Suivie de près par Nicolle, elle atteignit la cuisine en s’étonnant de voir que le frigo était plein. Elle fit la remarque, et une brève lueur de joie traversa le regard de la brune.

          

— Je lui ai dit que j’aimais cuisiner, murmura Nicolle, et donc à chaque fois que je viens, il approvisionne les lieux même si je ne reste pas toujours longtemps.

— Alors viande ou poisson ?

Nicolle la regarda perplexe avant d’ouvrir grand les yeux.

— C’est à moi de choisir ? s’étonna-t-elle.

Dorabella comprit alors qu’avec son Maitre elle n’avait jamais cette option. Elle savait bien à quoi ressemblait une relation D/s et à aucun moment parler de son Maitre ne devait faire naitre de la peur. Aussi qu’importe ce qui se passait avec cet homme qu’elle craignait, Dorabella était certaine que ce n’était pas sain, ni sécurisant et encore moins consensuel.  

— Oui, tu décides du menu. Poisson ou viande ?

— Poisson !

Dorabella sourit.

— Au travail alors.

                                ***
Les yeux lumineux comme ceux d’un sapin, Nicolle déposa ses cartes sur la table en se retenant de sourire de sa énième victoire d’affilée. Iosef était perdu, surpris même, et Aleksandr lui, à ses lèvres légèrement pincées, il était clairement en colère. Il n’aimait pas perdre, et pourtant c’était sa deuxième défaite. Il releva des yeux flamboyants de colère froide, et la joie de Nicolle disparue dans l’instant, par contre Dorabella partit dans un grand rire en attirant sur elle les regards de tous. Iosef lui ne comprenait pas la raison, Nicolle semblait avoir peur pour elle, et Aleksandr qui s’énervaient de plus en plus.

— Vous n’aimez évidemment pas perdre dans la famille.

Aleksandr serra brièvement les dents.

— Je te rappelle que vous jouez à deux, alors ces victoires n’ont aucune valeur.

Dorabella souffla amusé en faisant mine de chasser une mouche devant elle.

— Et moi je te rappelle que si je jouais je vous battrais tous. Nul ne peut gagner contre moi à un jeu de cartes quel qu’il soit Aleksandr, et tu n’en fais pas exception.

Un petit sourire arrogant aux lèvres, elle soutint son regard en se retenant de rire franchement de toute la frustration d’Aleksandr. Iosef se leva et alla servir une autre part de gâteau qu’il vint déposer devant Nicolle. C’était la troisième fois. Cette dernière voulut refuser, mais la voix ferme et sans appel de Iosef se fit entendre.

— Tu as la peau sur les os, alors mange.

Dorabella ne sut si c’était un ordre, une demande, une menace ou tout à la fois.

— Iosef, ce ne sont pas des choses que l’on dit à une femme !

Iosef la regarda sans comprendre son erreur, elle s’apprêta à le lui expliquer, lorsque Nicolle posa la main sur celle de la jeune femme.

— Ce n’est pas grave, cela ne me dérange pas. En plus le gâteau est bon.

Nicolle eut un petit sourire timide, et ce fut seulement en voyant une pointe lueur de joie dans ses yeux que Dorabella se tut. Ils étaient vraiment étranges ces deux-là.

Alors qu’elle prenait sa petite fourchette à gâteaux, Dorabella reprit les cartes pour les mélanger. Sur sa peau elle sentait le regard d’Aleksandr, et à chaque fois que leurs regards se croisaient, elle voyait au fond de ses yeux une certaine touche de remords et de nervosité, qu’elle ne comprenait pas. Et quelque chose lui fit comprendre que cela n’avait rien avoir avec son cousin, pas quand Aleksandr était si nerveux. Il n’était jamais nerveux.

DOMINUM Le cœur du papillon Where stories live. Discover now