— C’est vraiment une enfant adorable, déclara Aleksandr sur un air distrait en regardant la feuille bariolée de plusieurs couleurs dont le bleu était censé représenter l’océan. À moins que ça ne soit le ciel se dit-il en retournant la feuille dans l’autre sens pour mieux décrypter le dessin que lui avait fait Lizzie plusieurs heures plus tôt.
— En effet, et non, tu regardes dans le mauvais sens, l’interpella Dorabella d’un petit air bougon en lui prenant la feuille des mains. Tu vois, là, c’est l’océan.
— Et comment sais-tu cela ?
Elle leva les yeux au ciel.
— Parce que là, tu as le vert du gazon.
Aleksandr inclina la tête, le regard sérieux.
— Je croyais que c’était une tache parmi tant d’autres, marmonna-t-il en essayant de se souvenir de la description que lui avait faite l’enfant pendant le dessin sans pour autant s’y retrouver. Il abandonna en pliant soigneusement la feuille qu’il rangea dans la poche arrière de son jean, avant de relever les yeux vers Dorabella.
— C’est moi ou tu es jalouse de n’avoir pas obtenu de dessin ? la taquina-t-il doucement.
Elle s’empourpra violemment et il se retint de sourire.
— Il est vrai que c’est rare pour moi de ne pas obtenir de dessin à chaque retour de l’orphelinat…
— Rare c’est-à-dire ? incita-t-il doucement en l’interrompant.
— C’est la première fois, murmura-t-elle, mais ce n’est pas pour cela que je suis jalouse, reprit-elle d’une voix plus forte afin de faire passer le mensonge que ses yeux criaient.
— Je vois, donc tu es de mauvaise humeur parce que tu as perdu à chat ?
Elle fronça alors les sourcils de mécontentement.
— Vous avez tous les deux triché ! s’expliqua-t-elle et Aleksandr ne sut retenir le rire qui lui échappa et qui emplit l’habitacle de la voiture.
— Je ne te savais pas mauvaise perdante. La prochaine fois on te laissera gagner, lança-t-il toujours amusé. Et tu auras même le dessin de championne qui va avec !
Dorabella souffla de dédain en détournant son regard pour le porter à l’extérieur de la voiture, en croisant les bras.
Assis de l’autre côté, il ne parvenait pas à ôter son regard de son doux profile qu’il voyait, une mèche rebelle lui effleurait l’oreille, et comme il était toujours question d’elle, il eut des désirs fous, comme celui de vouloir la glisser derrière son beau lobe, un geste en apparence anodin, mais qui, pour lui, représentait beaucoup.
Il avait constamment envie de la toucher, et savoir que ça ne pourrait jamais aller plus loin qu’un contact, poussait son esprit à trouver de la beauté dans des choses auxquelles il n’avait jamais fait attention. Il détailla ses longs cils noirs, et dans sa tête il se l’imagina quand ils étaient encore à l’orphelinat, l’éclat qui faisait briller son regard, et tout ce qu’il voulait, c’était que cette joie ne la quitte jamais. Comme pour se prémunir de tout ce que ce visage lui évoquait, il éteignit la lumière qui éclairait l’arrière de véhicule nettement dessiné par la vitre de séparation fumée qui les éloignait des oreilles indiscrètes de son chauffeur.
Tout s’assombrit, et dans l’instant il regretta son erreur, c’était comme si avec toute cette obscurité, il percevait plus encore sa douce présence sur sa gauche. Dans le silence il entendait son souffle lent, de temps en temps, les réverbères illuminaient son visage de cette clarté jaune qui faisait rayonner sa chevelure de blé nouée dans un chignon qui était devenu lâchage avec le temps. Alors, fasciné, Aleksandr s’y perdit. Elle était magnifique, songea-t-il avec une surprise qui, maintenant qu’il y pensait, allait en grandissant. Elle n’avait rien avoir avec ses conquêtes habituelles, mais ce n’était pas étonnant, cette femme il ne l’avait pas encore conquise. Et pourtant, il était là, à l’arrière de sa voiture, en train de se disputer sans vraiment le faire, ça également c’était nouveau, par contre cette sérénité qu’il ressentait, il ne la reconnaissait que trop bien. Oui, cette femme l’apaisait, elle mettait sur pause le monde. Avec elle il n’était plus qui il était. Avec elle, il se reposait tout simplement.
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DOMINUM Le cœur du papillon
RomanceVivre... Je n'ai jamais vraiment su ce que ce mot signifiait. Je n'avais pas le temps pour cela, ou du moins je n'en avais pas le droit. Alors telle une plante au dessus de la mer, je me contentais de simplement être là. Puis il y'a eu lui... Il y'a...