Interrogating in progress

41 5 51
                                        

De retour à l'hôtel, ou j'espère qu'Ansgar a eu au moins la politesse de m'installer la salle d'interrogatoire. Parce que j'ai plein de questions à leur poser, à cette bande de petits salopards.

On a exploré la scène de crime de fond en comble, avec Sachiko et Nako. Mais rien d'intéressant. Tout ce qui sortait un peu de l'ordinaire, ce sont les traces de lutte dans le sang. À part ça, rien du tout ne se remarque.

Sachiko a bien repéré des traces de chaussures qui s'éloignaient de la scène. L'ennui, c'est qu'avec la lutte, et le passage de toute le monde sur la scène de crime, impossible de dire si c'est le meurtrier qui est passé par là, ou un témoin, ou même juste un con qui sait pas se comporter sur les scènes de crime.

Et ça m'énerve, parce que j'ai pas d'autres indices. Pas d'armes du crime, ou quoi que ce soit du même genre, à proximité. On a un peu réduit les possibilités, mais en soit, tout peut être une arme dans cet entrepôt, à commencer par les pales d'hélicoptère. Mais pour en approcher Alannah, sans qu'elle ne s'y attende...

Ce serait beaucoup trop compliqué.

Du coup, nous voilà rentrés sans la moindre piste supplémentaire. Et visiblement, on a un comité d'accueil. En la présence de Seo-jun et Ibrahim, qui me fixent avec ce qui me paraît bien trop proche de la pitié pour être honnête.

Je déteste ça.

Je déteste cette pitié.

Allez vous la foutre ailleurs que sur vos putains de visages.

« Ah, Thib, tu tombes bien, lance Seo-jun. On voulait te parler un peu, le temps qu'Ansgar finisse la salle d'interrogatoires. C'est possible ?

— Bah voyons, même pas assez efficaces pour faire le boulot quand on vous le demande, je crache. Et après on se demande pourquoi vous servez à rien.

— Seo-jun, intervient Nako hésitante, je crois que ce n'est pas le moment pour ce genre de– »

Le garde du corps la fait taire d'un geste, avant de se tourner vers moi. Il n'y a pas la moindre colère sur son visage.

« Thibault, Ibrahim et moi sommes parfaitement conscients de la douleur que c'est de perdre un être aimé. Si tu veux nous parler, ou même juste nous gueuler dessus pendant un quart d'heure, tu peux. On t'en voudra pas. On sait. Mais le temps qu'Ansgar finisse, je crois que ça vaut mieux que t'aies quelqu'un à qui parler plutôt que de ruminer ta souffrance dans ton coin. »

Ma réplique suivante s'étrangle dans ma gorge.

J'ai moyennement envie de l'admettre, mais Seo-jun a pas tort, sur ce point. Je peux pas le nier. Les deux ont perdus des gens proches, des gens qu'ils aimaient, et n'ont eu pour réconfort que le simple passage d'une survivante, quelques mots et une lettre. Pas de corps à enterrer. Pas de souvenir à chérir. Rien.

Mes doigts se resserrent sur le collier d'Alannah, toujours à mon cou.

Celui d'Ibrahim, passé à ma ceinture.

Et je hoche la tête. Doucement.

« Okay. De toute façon, tout vaut mieux que de ne rien faire. »

Seo-jun a un léger sourire. Avant de me passer un bras autour des épaules, que bizarrement j'ai pas envie de découper en morceaux, et m'attirer loin de Sachiko et Nako.

« Désolé les filles, on vous l'emprunte quelques temps... Si vous avez des trucs à faire, en attendant, y'a Moanaura et Emerens qui sont pas très en forme. D'ailleurs, je crois qu'Emerens a besoin de soins pour ses bleus à la gorge.

— j'y vais, répond Nako d'une voix douce. Ne vous embêtez pas. »

Elle s'éloigne à petits pas vers le coin de l'entrée, où se trouve d'un côté Moanaura en train de se ronger les ongles, et de l'autre Emerens prostré sur un fauteuil, toujours dans cette terrifiante immobilité. Sachiko, toujours dubitative, fait quelques pas dans ma direction, mais un regard d'Ibrahim semble la dissuader d'aller plus loin, et elle se contente de me jeter un regard en coin.

The Art of Creating HopeWhere stories live. Discover now