INTÉRESSANTE

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novembre 2012

Vendredi, Rachid m'a passé son papier plié avec un numéro de téléphone écrit au stylo bic. Il était tellement plein de graisse que je n'ai pas pu lire tous les chiffres inscrits dessus. En vrai, j'ai pété mon crâne à tester les combinaisons possibles avec ceux qui ont été épargné. Je me dis qu'elle s'est sentie obligée de me filer son num' parce que ça devenait long de se parler que le dimanche. Et moi, je suis ce gros bouffon qui n'accueille même pas sa demande.

Elle doit avoir les nerfs que je ne lui réponde pas. Je pense qu'elle m'a déjà insulté ou qu'elle s'est remise en question. Bref, cimer Rachid pour les travaux hein. Le pire c'est que ça fait bien quatre jours qu'il m'a dit qu'elle était passée. Donc ça fait autant de jours qu'elle attend un sms qu'elle ne recevra pas tant que je ne la verrais pas.

Je pensais grave craquer en premier. Encore une fois, je n'ai pas besoin d'en faire beaucoup pour qu'elles tombent sous mon charme. Enfin, pour elle, c'est plus compliqué. Tant mieux, je ne vais pas m'en plaindre. Quand c'est trop facile, ma libido freine de fou et mon désintérêt augmente. C'est pour ça que notre petit jeu me plaît bien. Elle a beau ne pas savoir mon prénom, elle a creusé ailleurs et en sait plus que certains qui le connaissent. Même, elle a cette facilité à me soutirer des infos. C'est trop plaisant de voir qu'elle s'intéresse à moi autant que je tente de m'intéresser à elle. Miss ciné est intéressante de fou pour le coup. C'est trop naturel pour qu'elle surjoue. Et je suis trop curieux pour que je surjoue également.

Là, je passe enfin les portes du cinéma. En vrai, quand tu y rentres, tu ne vois qu'elle. Rien que parce qu'elle a mis un pull ample jaune. C'est un citron ce soir. Dimanche dernier c'était un chamallow rose. Il faut que j'arrête d'attribuer ses couleurs de vêtements à de la bouffe. Mais c'est sûr que ça fait d'elle quelqu'un encore plus à quécro.

Il y a beaucoup trop de monde mais j'ai très bien vu qu'elle aussi, m'avait déjà repéré. Elle a fait genre de rien en se reconcentrant sur le client devant elle, mais ses pommettes se sont arrondies et elle a fermé les yeux exactement de la même manière que quand je la gêne. À la seule différence que, là, elle a aussi froncé légèrement ses sourcils. Cette go est fascinante. Timide mais parfois entreprenante.

Je m'installe sur mon fauteuil rouge qui est étonnement vide vu le nombre de personnes dans un si petit hall. Mais je viens de décider que ça faisait trop longtemps que j'attendais alors je me lève et viens à elle. J'ai une idée pour ce soir. Il faut que je l'amorce.

Je me mets assez éloigné sur le comptoir et sors de quoi lire le temps qu'elle puisse se libérer. Flemme qu'on croit que je gruge les gens qui font la queue.

— ça va, t'es à l'aise, tranquille ?

Je relève ma tête de mon manga. En vrai, j'aurais dû rester assis. Les vieilles aiment trop blablater. Ça doit faire quinze pages que je lis sans être interrompu.

Mais, c'est vrai que je suis clairement avachi sur le comptoir. Elle a également ses mains qui soutiennent sa tête et ses coudes contre le meuble. Je rêverais d'être derrière pour tema la vue qui pourrait s'offrir à moi. Mais bon, disons que c'est le frigo des boissons qui est le plus chanceux actuellement.

— nickel et toi ? réponds-je arrogamment

Je tape légèrement sur son bras alors qu'elle se laisse mollement faire, le laissant retomber contre le bois du meuble.

— mieux depuis que t'es là, glousse-t-elle

Elle a réussi à me faire esquisser un sourire cette magicienne. Est-ce qu'on est faible comme ça face à une go ?

Filer à l'anglaiseWhere stories live. Discover now