GÊNÉE

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J'ai l'impression d'être dans un zion. Il est clairement trois heures trente-deux si on en suit l'heure rouge projetée par ma wifi et j'ai la brune avachie sur moi. Je n'ose pas bouger. Je ne sais pas où placer mes bras maintenant que je suis conscient. Ils étaient autour d'elle mais c'est trop de liberté de ma part de les replacer donc je vais les croiser derrière ma tête. Déjà, c'est beaucoup de liberté de la sienne d'être installée comme ça. Je sais que lorsqu'elle se réveillera, elle se relèvera vivement, comme si elle n'avait pas tapé sa meilleure sieste quasiment sur moi. Même ses jambes sont recroquevillées sur le canapé.

Elle est mignonne quand elle est gênée, alors dans un sens, j'ai hâte qu'elle se réveille et dans un autre, je l'aime bien endormie contre moi. Au moins, elle ne casse pas les couilles. J'ai tué la romance. Pardon.

Doums est lui aussi en train de vivre sa meilleure sieste sur mon fauteuil. Heureusement, pas sur moi. Il aime trop squatter ici. Je n'étais pas prêt de le voir discuter avec ma sauveuse du jour, en plein milieu de mon salon lorsque je suis rentré du macdo. J'avais pas checké ses messages, j'ai juste pensé à faire tout schuss jusqu'à mon appartement.

En soi, c'était prévisible pourtant. Je l'ai harcelé pour qu'il se pointe arranger mon problème et il est tout le temps fourré chez moi. Ça me fait rire de me dire qu'il y a des semaines où il est plus chez moi que je n'y suis. J'aurai vraiment pu m'en douter de cette rencontre inopinée.

Ça m'a satisfait de fou en tout cas, tout cet enthousiasme qui les enveloppait. Doums, c'est vraiment l'un de mes frères. On n'a juste pas les mêmes darons. Ça se voit physiquement et se devine sans qu'on ait besoin de le certifier. Alors, j'attends patiemment qu'il me donne son avis sur elle. Je n'étais pas là pour superviser leur rencontre. J'espère qu'ils n'ont pas été gênants l'un envers l'autre mais plutôt qu'ils étaient à l'aise. Ou juste eux-mêmes. Flemme de devoir presque les forcer à s'apprécier s'ils en venaient à se revoir.

Son avis m'importe énormément dans mes relations sociales, en général. Je ne sais pas comment il fait, mais il a comme un don pour cerner le vice des gens, ceux sans intérêt ou qui sont là par intérêt, les coquilles vides ou même ceux trop envahissants. Moi qui peut me montrer trop naïf avec les autres, ça m'apporte beaucoup d'en discuter avec lui. Je ne suis pas forcément à la lettre ses conseils mais j'en tiens compte de fou. Après ça, je saurai si, selon lui, la brune mérite d'avoir une place toujours plus croissante dans ma vie ou une place tout court. Parce que, bordel, elle graille de l'espace en plus de celui qu'elle prend actuellement sur mon canap. J'aimerai bien savoir si elle lui est légitime, cette place.

Mes khos aiment trop dire que je suis naïf lorsque je parle de bonté. C'est pour ça que je dis ça surtout. Je la vois soi-disant trop comme quelque chose d'inné chez les gens. Je cherche à creuser là où au contraire, il faudrait mettre de la terre pour ensevelir les bons souvenirs que j'ai pu avoir avec ces personnes qui m'ont finalement fait des coups de putes. Ils n'ont pas tord, dans un sens. Mais dans un autre, j'aime me dire que les gens peuvent changer et avoir des travers. Miss ciné a pour le moment l'air d'exempter à la règle. Je verrai probablement avec le temps les siens. Ou Doums les verra pour moi.

Je balaie la pièce du regard et remarque mon livre de poche du moment sur la table d'appoint à ma gauche. Il va falloir que je la joue fine si je veux l'attraper sans bouger le reste de mon corps. Mais en même temps, je suis avachi de fou, on dirait que je vais glisser du canapé.

Mission pas vraiment réussie puisque l'envahisseuse vient de s'agiter sur moi. Si ça avait été une autre meuf, je jure que je l'aurai tej direct. Mais là, elle paraît trop loin pour que je vienne bousculer ses songes.

Je me replace même bien correctement et passe ma main dans ses cheveux. Ça marche à chaque fois–rendormir les gens en leur caressant les cheveux vite fait. Ma daronne nous faisait ça quand on était tipeus, sur le visage aussi. Ça me rendormait instante. J'entends son souffle redevenir un peu plus régulier. À croire qu'à elle aussi ça lui fait un effet somnifère. Je suis sûre que j'aurai pu la voir esquisser un sourire de satisfaction si j'avais une vue sur son visage. Maintenant, seule la ventilation de mon frigo dérange le calme plat de la pièce.

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant