SINGULIER

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décembre 2012

Palmo a pété ma valise cabine, j'ai trop le seum. En plus, il a osé dire que ce n'était pas grave puisqu'elle était vieille. Si pour lui, vieille, c'est l'été dernier, il faudrait peut-être que je lui rappelle qu'il en a vingt-trois à son compteur. Ça lui mettrait une claque sévère dans sa jeunesse. Il croit que c'est gratuit d'acheter de la maroquinerie Lamarthe ce shlag.

Du coup, je fais mon sac de sport en faisant des boudins avec mes vêtements pour maximiser la place. Heureusement qu'on ne part pas deux semaines mais bien deux nuits le temps du week-end.

Je ne tiens pas en place. Depuis juillet, je ne me suis accordée ni vacances ni escales quelque part alors que je suis une putain de globe trotter. Cache-cou n'est pas le seul. J'ai constaté ce sentiment d'excitation avant de commencer ma non-valise. Si j'avais su que même en allant qu'à Deauville, je pouvais ressentir ça, j'y serais retournée bien plus tôt. Il n'y a pas besoin de partir loin pour voyager. Mais, ça, seuls les plus chanceux peuvent se le permettre. Je m'inclus dedans. Si je n'avais pas eu ses parents ou cet état d'esprit, je n'aurai pas pu voyager autant. J'en suis reconnaissante. C'est une putain de chance de pouvoir voyager, sortir de sa zone de confort ou de sa ville.

J'aime trop dire que m'être stabilisée à Paris me plait de fou mais ce n'est pas totalement vrai. Ce qui m'anime c'est le train de vie que j'avais avant. Ce n'était pas toujours simple et j'avais un équilibre de vie particulier, mais ça me manque que nos parents ne nous rassemblent plus dans le salon pour nous dire que d'ici quelques mois ou années, on doit partir sur un autre continent parce qu'ils ont accepté un job de profs ailleurs. On passait des heures à faire des recherches sur notre futur chez nous. Là, s'ils nous disent qu'ils partent ailleurs, on ne les suit plus, on leur rend visite. Et encore. Je n'ai jamais été dans leur maison à Istanbul.

En plus, Palmyr part en République tchèque en janvier. J'ai versé ma larme une fois seule, le jour où il me l'a annoncé, c'est-à-dire jeudi. J'ai beau l'engueuler régulièrement parce qu'il laisse traîner tout derrière lui dans mon appartement, j'étais toujours aussi contente de constater qu'il était encore là à squatter mon clic clac. Si moi j'ai la bougeotte, lui il a un tampon d'aéroport à la place du cerveau.

On est chanceux de la vie qu'on mène depuis petit. Versatile, volatile. On avait beau quitter nos amis au fur et à mesure de notre conquête du monde, on savait que nous deux, on conquerrait plus que le monde et qu'il en faudrait plus pour nous isoler l'un de l'autre. On est un peu comme l'équilibre de l'autre.

Nos parents nous ont toujours dit qu'il fallait que personne ne s'immisce entre nous, que nous ne devions pas douter de notre relation.  Je ne me suis jamais sentie seule quand on arrivait dans nos nouvelles écoles ou nos nouvelles villes. Jamais, parce qu'il était là. Ils ont raison, nos darons, on a beau avoir eu des crises de fou ou des engueulades, dans le fond, aucun de nous ne voulait qu'elles s'éternisent parce que c'était bien mieux de marcher à deux que seul(e).

Là, d'ici un énorme mois, je vais devoir marcher sans lui et ce, pendant trois mois entiers. Ça ne me plaît pas trop. Peut-être que ça m'angoisse un peu finalement. Quand il était parti au Canada voir sa Pascale, c'était pour moins longtemps et les parents étaient en France. Non pas que j'ai besoin d'être assistée ou autre, mais je n'aurai que ma famille de coeur avec moi. Heureusement qu'elle est sans failles depuis que le S est loin de moi. J'ai fait un point sur mon entourage et je l'ai aminci. Un peu comme moi. Si j'enlevais une personne par kilo perdu depuis la reprise des cours, j'en aurai enlevé cinq. Mais, là, j'en ai bougé trois. Tant mieux, je me préfère avec ces kilos que sans. Mais je me préfère sans ses personnes qu'avec.

Je suis tellement submergée par le travail et l'école que ça va me faire du bien de bouger un peu. Je ne pense à rien d'autre en ce moment que le ciné et les travaux à rendre en temps et en heure. Ça me pèse légèrement. Surtout que je les rends difficilement à l'heure. D'un autre sens, je les rends avec facilité en retard.

Filer à l'anglaiseWhere stories live. Discover now