CHARMANT

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En soi, trente ans dans une vie, qu'est-ce que c'est ? J'aurai cinquante-et-un ans. Pas d'enfants, pas de mari, pas de diplôme du supérieur donc pas non plus la reconnaissance de mon daron, pas de maison, pas de permis, pas la voiture sept places et encore moins le golden retriever avec le jardin dans un lotissement à la desperate housewives. Mais j'aurai assouvi ma soif de vengeance en la personne de Palmyr et ce, dès mes vingt-et-un ans.

Et rien que pour ça, je peux envisager de prendre trente ans de réclusion criminelle pour homicide clairement volontaire. De toute façon, je ne prétends même pas à cette vie précitée. Je préfère largement en avoir une marquée par cent artifices que sans artifice.

Mais la seule chose qui me fait réellement garder mon frère en vie au lieu de l'étriper à même le sol de mon appartement parisien n'est pas la peur de la justice mais celle de ma grand-mère paternelle. Déjà, si on a le malheur de lui rappeler une de nos disputes, elle nous fouette avec son torchon alors si on mène un combat à mort, je me prendrais un vrai coup de serviette 100x150.

Selon elle, on doit s'aimer et se le prouver continuellement. Alors j'ai plus peur de son jugement à elle que de celui de la Cour d'assise si j'attente à la vie de son petit-fils.

Elle sait que tout n'est pas rose, mais tant qu'elle ne le voit pas, elle préfère se dire qu'on ne se crie et ne se tape pas dessus. Que son fils a épousé la femme qui a su éduquer ses petits-enfants de la meilleure des façons. Foutaise. Palmyr m'a mis une claque monumentale derrière la tête, il y a de ça quarante minutes, parce que je lui aurais mal parlé. Si je ne peux plus le traiter de connard pour me défendre, je ne vois pas ce qu'il me reste. En plus, c'était mérité. Alors, là, on lui apporterait la preuve explicite que tout n'est pas rose. Et croyez-moi, les mamies de l'Est, il ne faut pas les provoquer.

Depuis, on se vesqui. C'est dur dans un appartement si petit même si j'ai une chambre fermée. J'ai envie de me faire des tartines de beurre-confiture en plus mais je dois me limiter, sinon il croira que j'ouvre mon jeu en revenant vers lui dans la cuisine. Je l'ai peut-être insulté mais c'est lui qui a insinué que j'étais une marie-couche-toi-là. En plus, je reviens d'une journée de cours dans laquelle Evi m'a chambré du début à la fin. Ce n'était pas le moment.

— mais nan, j'vais câbler, t'es où ? entends-je des pas lourds jusqu'à ma porte

Il n'attend pas ma réponse pour entrer d'un coup dans ma chambre, un paquet de préservatifs à la main. À l'aise.

— super Palmo, tu t'envoies en l'air ce soir ? C'est le prétexte parfait pour que tu te barres dès maintenant, pouffe-je amèrement

— c'est pas à moi justement. Pourquoi t'as ça chez oit ? Soi-disant, t'es pas love du gars au canap confortable ? Tu me mythos en fait ?

J'avoue, pourquoi j'ai ça chez moi ?

Par contre, il recommence avec ses insinuations. Mec, ma vie sexuelle est plate, n'en doute vraiment pas.

J'ai l'impression de revivre le moment où mon père m'a parlé des garçons et leurs vices quand j'étais ado, à la différence que son fils n'est ni objectif, ni qualifié en cet instant pour me mettre en garde sur les travers du sexe opposé. Il est une catégorie de travers à lui seul. Ça m'énerve, il s'y prend trop mal.

Depuis quand, en plus, je devrais être love de quelqu'un pour posséder des préservatifs ? C'est nouveau. Qu'il ne fouille pas dans le tiroir de ma table de chevet, sinon, c'est la syncope assurée. Une asso contre le sida en distribuait le mois dernier dans la rue– j'en ai donc un qui se balade parmi mon bordel. Peut-être même deux.

— c'est pas à moi non plus, t'es un boloss ou quoi ?

Tout à l'heure, on s'est vraiment pris la tête parce que j'ai dormi ailleurs, qui plus est, chez un mec sans que je ne l'ai réellement prévenu. Oui, c'est réel. On pouvait s'en douter sans que je l'explique.

Filer à l'anglaiseTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon