Prologue

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Jurençon ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer.

L'enfant n'était pas idiot, mais l'état de sidération dans lequel il se trouvait rendait difficile sa compréhension de la situation, tant celle-ci avait basculé brutalement.

Du bruit parvenait à ses oreilles, des grattements à la porte de la chaumière où il s'était toujours senti trop seul, malgré la présence constante de sa mère et celle, parfois absente, de sa grand-mère.

Le matin même, sa mère l'avait réveillé, avait pris un petit déjeuner avec lui, et ils avaient joué ensemble à une histoire de nymphette à sauver et d'ogre à abattre.

Sa grand-mère était arrivée avec du pain frais et avait déjeuné avec eux avant de s'endormir profondément.

Si profondément que Jurençon n'avait plus entendu son cœur battre.

Un silence s'était emparé de la chaumière avant que des grondements se fassent entendre de l'autre côté de la porte. Sa mère s'était redressée, ses yeux bruns paniqués, et elle l'avait menée à l'étage, fermant la porte de leur chambre à clé.

— Tout va bien mon trésor, assura-t-elle. Tu es en sécurité...

— Maman... est-ce que ce sont... eux ? murmura Jurençon à voix basse.

Sa mère ne répondit pas immédiatement, ses mains lui caressant doucement les cheveux mais son corps tendu, alors que des grognements se faisaient entendre de plus en plus distinctement.

— Ce sont des loups... ils... ils doivent avoir très faim pour venir s'attaquer à la chaumière... mais ça ira, la porte est solide...

Cette affirmation nerveuse se trouva compromise lorsque Jurencon tourna la tête vers la porte de la chambre. Même si la chaumière était solide, les portes n'étaient pas autant protégés que l'on aurait pu le croire. Sa grand-mère avait apposé un sortilège de sommeil extrêmement puissant autour de leur maison, ce qui avait toujours suffi à repousser tout danger. Tous les animaux sentaient que pénétrer dans ce périmètre particulier signifiait une probable mort, et aucun n'aurait tenté de s'y risquer.

Mais à présent que la vieille femme avait rendu son dernier soupir, le peu de protections de leur petite maison en bois semblait sauter aux yeux de Jurençon.

Si les loups réussissaient à briser la porte, ils seraient faits comme des rats.

Sa mère se dressa brusquement sur ses pieds, déplaçant difficilement le lit avec son aide pour barrer la porte, la consolidant du mieux que possible avec les maigres fournitures de la pièce.

— Maman, tu m'as dit qu'un Hélios, c'était fort ?

— Oui, un Hélios est très fort Jurençon, plus fort qu'un humain, mais pourquoi...

— Donc si les loups entrent, je peux te protéger, coupa l'enfant blond.

Sa mère resta silencieuse un moment, son expression déchirée s'accordant mal avec ses yeux émus. Tendrement, elle lui caressa les cheveux, le faisant sourire par ce geste si familier.

— Ce n'est pas si simple, mon trésor. Tu es un enfant, c'est à moi de te protéger, et...

La jeune femme termina sa phrase par un halètement horrifié en remarquant du coin de l'œil qu'une patte de loup griffait l'air à travers le haut de la porte, un interstice juste assez large pour apercevoir une mâchoire aux crocs acérés mordre férocement le bois comme s'il pouvait nourrir l'animal.

Le demi-princeOnde histórias criam vida. Descubra agora