9 : Décision royale

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Pendant encore deux semaines, Jurençon n'eut aucune nouvelle au sujet des résultats de son épreuve au château. Il avait avoué le soir-même  de ce qu'il considérait comme un échec que si les Élitiens avaient des doutes sur sa perte de sang-froid au cours de l'épreuve, ils fouilleraient peut-être dans le faux passé de Michael Blade et des frères Arriand. Ce qui ne pouvait que poser des soucis, si jamais on s'apercevait que l'absence de documents confirmant leur existence ne pouvait être justifiée.

Autant dire qu'aucun des Estaffes n'avait souri à cette possibilité. Au contraire.

Jurençon avait vu les yeux de ses mentors se noircir devant lui, les six hommes devenant raides et leurs visages totalement inexpressifs, avant de pousser de lourds soupirs de frustration.

Pendant ces quelques semaines à les côtoyer sans soucis, malgré la rupture du Serment rouge, le demi-Hélios en était presque venu à croire que le maléfice de Circé n'était pas si influent que ça sur les Hélios, et qu'il n'y avait pas de risque particulier à rester en leur présence.

Autant dire que les voir physiquement influencés pour l'attaquer ne l'avait pas rassuré. Il n'avait pas osé leur demandé comment le maléfice se manifestait (un murmure, une perte de libre-arbitre, l'illusion d'un faux choix, des crampes en cas de refus ?), craignant qu'en mentionnant ce sujet, les Estaffes l'attaquerait, sous l'effet de Circé.

William avait le premier repris ses yeux émeraudes, passant une main dans les cheveux de Jurençon en lui disant qu'ils improviseraient au besoin. Si le sourire de l'homme se voulait rassurant et confiant, l'adolescent avait très bien décelé la déception dans sa voix.

Et il culpabilisait d'avoir crée cette déception, autant qu'il s'en voulait de se sentir coupable.

Pourquoi avait-il tant de confiance envers les Estaffes, qui pourraient le tuer dans son sommeil parce qu'il était juste un demi-Hélios ? Pourquoi faire confiance aux meurtriers de son père ? Pourquoi accorder sa confiance à des hommes qui le poussaient à détruire la plus grande institution du royaume, alors qu'il pourrait y être en sécurité là-bas ?

Pourquoi ne les avait-il pas dénoncé au pré-Élitien, lorsque l'occasion s'était présentée ?

– Jurençon, comment tu te sens ?

Arthur était entré dans la petite chambre de William et Jurençon, de la farine sur les manches, témoignant d'une tentative de faire du pain, qui s'était conclue sur un échec, à l'écoute des râleries de ses deux frères.

– On va savoir aujourd'hui si je participe à la prochaine épreuve, éluda un peu le jeune adolescent.

– Ça ne répond pas à ma question.

Jurençon haussa les épaules, reportant son attention sur le livre qu'il faisait semblant de lire, en espérant que l'Hélios partirait rapidement. Peine perdue.

– On ne t'en voudra pas si tu échoues, et on ne laissera pas le maléfice nous influencer pour ça. On préparera simplement ton entrée à l'Élite, et tu seras dans l'école, en sécurité.

– En sécurité de vous ?

Arthur ne répondit pas, mais la réponse était évidente après tout. Le silence entre eux aurait pu s'éterniser, sans la venue d'un garde royal, qui frappa à la porte, annonçant à Jurençon qu'il devait passer l'épreuve suivante.

Le trajet aurait pu se passer dans la bonne humeur, mais même si William et Arthur tentaient de converser avec le garde avec un ton léger, ils étaient à peu près aussi enjoués que Tybalt et Jurençon. La fratrie Hélios envisageait que ce soit un piège des Élitiens pour les attirer au château, sans armes et vulnérables, pour les arrêter. Jurençon avait à peu près la même pensée, se voyant déjà mis dans une prison.

Le demi-princeWhere stories live. Discover now