Chapitre 3

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Le soleil caressait sa joue lorsque Jurençon ouvrit les paupières, se réveilla plus tard qu'il ne l'aurait cru. Il repéra l'horloge du salon, qui lui dévoila qu'il avait bien dormi près de huit heures. Même si les Estaffes le taquinaient de temps à autre sur son long sommeil de quatre ou cinq heures, il était rare que le demi-Hélios dorme autant qu'un humain. La pensée le mit mal à l'aise, comme si ses années à être entraîné par les Estaffes lui rappelaient qu'il devait se trouver semblable à un Hélios, malgré sa nature particulière.

Son propre sommeil le surprit moins cependant que de voir que Richard était allongé sur le sol, à côté du canapé, visiblement assoupi.

Le souvenir de la poigne violente de son tuteur sur son bras le fit frissonner, mais le voir ainsi si paisible le rassura, et sa crainte disparut.

Henri et William sortirent de la cuisine avec un plateau sur lequel trônaient des tartines de miel et du chocolat chaud. Ils s'arrêtèrent en remarquant que Jurençon était réveillé.

— Richard dort encore ? Il a dû veiller vraiment plus longtemps que nous, marmonna l'aîné des Hélios.

— Pourquoi il est resté au sol ?

Ses deux interlocuteurs éludèrent sa question, lui tendant plutôt sa tasse de chocolat chaud, que le jeune adolescent prit sans plus hésiter. Son appétit aiguisé fut apaisé par son petit-déjeuner improvisé.

Richard ne dit rien lorsqu'il se réveilla, comme s'il voulait faire croire que dormir sur le sol faisait non seulement partie de ses habitudes personnelles, mais même que c'était une manière commune de se reposer. Jurençon ne voulut pas tenter de brusquer son tuteur, craignant un peu que le maléfice de Circé ne se manifeste en retour s'il contrariait les Estaffes.

Il tenta de recomposer son attitude d'élève, son rôle de Jurençon Estaffes, le seul qui méritait d'être accepté par la fratrie Hélios. Ses pleurs et craintes devaient être oubliées, il ne pouvait plus agir de la sorte. Il devait agir convenablement, comme un véritable enfant Hélios, et se soumettre aux ordres de ses mentors.

L'adolescent fut donc déstabilisé lorsque William lui proposa de se rendre en ville pour lui acheter de nouveaux vêtements.

— Ceux-ci me conviennent, indiqua-t-il.

— Tu plaisantes ? Tes chevilles et tes poignets ne sont plus couverts, tes vêtements actuels sont trop courts, riposta Edward.

— On peut les allonger en ajoutant un peu de tissu. On l'a déjà fait.

Il ne devait pas être une dépense inutile pour eux. Il était leur élève, nourri, logé, lavé, chauffé et habillé. Et cela pourrait agacer le maléfice s'il se laissait aller à un caprice.

Un soulagement sincère lui réchauffa pourtant le cœur lorsque l'aîné des Estaffes lui ordonna de se préparer pour aller en ville, prétextant que Jurençon grandirait certainement encore beaucoup, et que de nouveaux vêtements étaient nécessaires.

— Tu grandis à une vitesse... pire que nous à ton âge, plaisanta Arthur.

— Ah bon ?

Il était rare que les Estaffes se laissent aller à parler un peu de leur passé, et l'adolescent se mordit la langue, songeant qu'il n'était peut-être pas bon d'aborder le sujet. Mais son interlocuteur ne parut pas gêné, au contraire.

Peut-être qu'ils entraient juste dans leur rôle d'humain commun, celui qu'ils utilisaient pour aller à la rencontre de quelques marchands de passage et négocier de la nourriture.

— Nous n'étions pas minuscules non plus, intervient Tybalt. Mais c'est vrai que tu dois être un peu plus grand que nous à la même période. Moins fort aussi.

Le demi-princeWhere stories live. Discover now