Chapitre 8

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Il y eut deux semaines de flottement, avant qu'un garde ne revienne vers la petite chaumière habitée par Jurençon et ses "oncles", pour donner au jeune adolescent les résultats de sa deuxième épreuve. La surprise fut belle, puisque le demi-Hélios n'avait pas seulement obtenu son droit de passer la troisième épreuve : un classement de trouvait sur son parchemin, et il était le sixième meilleur candidat à la deuxième épreuve.

— Tu vas montrer que tu es futé aujourd'hui encore, le taquina Arthur.

— Vot' gosse est un chanceux, le roi a pas sélectionné beaucoup de candidats de son âge, indiqua le garde.

Celui-ci se mit à parler aux Estaffes en se plaignant, récoltant une compassion feinte que Jurençon n'essaya pas de donner, restant silencieux en observant le paysage. L'approche du château ne lui fit pas autant de crainte que la première fois malgré la foule, mais il était certain qu'il ne s'habituerait jamais vraiment au bruit ambiant. Tout lui paraissait trop bruyant et imposant.

— Fais de mieux, ça nous suffira, murmura William pour le rassurer.

Jurençon lui donna un sourire sans joie, alors que deux gardes l'encadraient pour l'amener dans une autre salle. Il ne fut pas surpris de voir d'autres enfants, mais petit nombre le prit un peu au dépourvu. À peine une vingtaine d'adolescents étaient présents, paraissant un peu plus âgés que lui. Sur le côté d'un petit groupe, Pierre Chapelier lui fit un signe discret de la main, l'invitant à le rejoindre.

— Est-ce que vous avez déjà eu des instructions sur la prochaine épreuve ?

— Pas encore, l'informa le Prétendant. Mathieu m'a laissé entendre que ce serait une épreuve de coopération.

— J'espère qu'on sera en groupe dans ce cas, sourit Jurençon avec sincérité.

L'autre adolescent répondit par un hochement de tête, se taisant ensuite sans répondre franchement à son faux rival. Le Grand Busier venait de pénétrer la salle, coupant court aux discussions enjouées des adolescents. Tous s'inclinèrent à sa rencontre, alors que le souverain du royaume astrien scrutait chacun d'eux avec une attention particulière. Jurençon se sentit aussitôt mal à l'aise lorsque le vieillard appuya son regard sur lui un peu plus longtemps que les autres d'un air pensif, avant de s'écarter.

— Je vous félicité pour avoir déjà passé deux épreuves, dont l'une sous l'œil aiguisé de Mathieu Hidalf, commença le Grand Busier. Néanmoins, seules trois épreuves se dérouleront à présent. Celle que je vais vous annoncer dépendra encore de vos compétences, et les deux dernières dépendront de facteurs moins objectifs.

Il y eut quelques murmures parmi les candidats, et Jurençon sentit son cœur battre plus fort à la pensée que son destin pouvait être boulversé par des facteurs imprévus. Il s'était déjà imaginé que cela se produirait, mais il avait rejeté cette crainte avec force, car cela lui rappelait bien trop que sa vie avait déjà volé en éclats une fois, de manière aussi brusque que désastreuse, ne lui laissant que des miettes de son passé. Même si les Estaffes s'étaient adoucis au fil des années, la rupture du Serment rouge avait déjà violemment brisé son petit quotidien, et le forfait à craindre le pire même dans un endroit qu'il pouvait voir comme son "chez-lui".

Si le roi ne le prenait pas, il suffirait que le maléfice de Circé agisse une fois pour que le demi-Hélios perde la vie.

Il se redressa, un peu raide, le regard aussi sérieux que celui de Pierre à côté de lui. Il ne pouvait pas penser à lui comme à un futur camarade dans l'Élite : pour l'heure, c'était un rival, qu'il allait devoir surpasser.

— Votre troisième épreuve sera relativement simple. Nous vous soumettrons à des questions sur diverses situations, et vous devrez répondre le plus honnêtement possible. Votre amabilité ne sera pas jugée ici, ni votre sagesse ou votre intelligence. Certaines questions seront des dilemmes moraux, d'autres de faux procès, ou vos avis sur des débats courants au sein de la noblesse. Bien que vos réponses peuvent avoir une influence sur qui passera à l'épreuve suivante, nous souhaitons surtout une honnêteté totale.

Le demi-princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant