Prologue

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Alors que le soleil se levait à peine sur l'océan, accompagné de mélodieux chants de mouettes, j'entendis les mats geindre et les voiles se gonfler, signe que l'on reprenait malheureusement la route. Mais vers où ? La terre s'éloignait à l'horizon, et par la même occasion la seule chance qu'il me restait de sortir indemne de cette escapade. 

Je riais dans ma barbe. Quel comble, en vérité, de se retrouver prisonnier du Pirate le plus dangereux et le plus fou de la Caraïbe, tout ça pour une vulgaire - cependant incroyablement belle et attirante - émeraude.

-Tu trouves ça drôle peut-être ? Vociféra un matelot, et je sursautai sous la puissance de sa voix. 

C'était un garde-prisonnier, précisément. Les bruits qui couraient racontaient qu'il avait été immortalisé par Evil Sword, le redoutable capitaine de ce navire. Ils étaient trois, - beaucoup pour un si petit équipage comme celui qui naviguait sur ce navire - et tous féroces et invincibles.

Celui-ci, un homme noir torse nu aux muscles imposants, des énormes cicatrices le couturant de part en part, était chargé de surveiller les prisonniers la nuit. Selon certains, la plupart des détenus ne passaient jamais la nuit lorsque c'était ce monstre qui était de garde. Sur ce coup, je faisais confiance à mon instinct qui me hurlait à pleins poumons d'éviter de le provoquer, car il me faisait une peur bleue.

Ainsi, je me retins de lui lancer une réplique cinglante. Cela n'aurait servi à rien, à part empirer encore ma situation.

Nous étions seuls, sur le pont, sous la lune qui disparaissait à l'horizon. Les voiles miteuses et rouge brique du navire semblaient tout droit sorties d'un bateau hanté, sous le reflet de l'aube.

J'étais attaché à un poteau par de nombreuses cordes et j'avais la forte impression que ma vie allait très bientôt prendre fin. Elle n'avait été jusqu'ici qu'un amas d'alcool et de vols insignifiants, mais j'en espérais tellement plus, pour l'avenir. Je soupirai et levai les yeux vers le ciel ; les étoiles, qui avaient été mes seules lumières durant ce que je croyais être ma dernière nuit noire, disparaissaient peu à peu. 

Alors, quand le soleil daigna enfin pointer le bout de son nez, m'obligeant à plisser les yeux sous la lumière du petit matin, tous les matelots et le capitaine sortirent comme un seul homme des étages inférieurs et envahirent le pont. Je me retrouvai encerclé, et je m'avouai, malgré moi, que j'étais mort de peur. Mais, je souriais quand même, pour ne pas me trahir : s'il y avait bien une chose que je pouvais encore sauver, c'était ma fierté. 

Le capitaine s'avança vers moi, un sourire machiavélique aux lèvres. C'était la légende la plus terrifiante des neuf mers, et ses pouvoirs surnaturels en faisaient également partie. En effet, il possédait le don d'attirer les objets à lui, comme par magie.

-Aucun sens de l'hospitalité..., je soupirai, d'une voix que je voulais agacée et indignée, avec une pointe de pitié. Mais t'es au courant que si tu fais ça, tu vas avoir les mers d'Enelda et de Sindeland contre toi. Tu prendrais vraiment ce risque ? 

Mais le capitaine éclata de rire, ce qui fit fondre mon courage comme un glaçon au-dessus d'un brasier. Il me dit de sa voix grave et forte :

-Tu ne comprends rien, moussaillon. La question n'est pas d'avoir des ennemis... ou pas, puisque personne ne peut me vaincre. Personne ne peut vaincre le capitaine du Ireland's Victory, moi, Barbe-Noire. Et puis de toute façon personne ne te vengera. Ta famille t'a déshérité depuis longtemps.

Je me crispai. Cela faisait bien longtemps - environ cinq ans - que je m'étais enfui de chez moi pour trouver enfin la tranquillité, sans menaces ni reproches incessants. Ma sœur, qui subissait le même sort, s'était enfuie avec moi. Nos parents, fâchés après nous, avaient refusé de nous donner l'héritage de seigneurie de la mer de Sindeland et d'Enelda.

Les Jumelles et l'Autre côté du Miroir (Hors Série) -TERMINE, EN CORRECTIONS-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant