Les Jumelles et l'Autre côté du Miroir (Hors Série) -TERMINE, EN CORRECTIONS-

Chapitre 13

Cela faisait deux jours que nous naviguions.

J'étais tellement contente d'être de retour sur l'Irland's Victory. De retrouver Estee.

Ce matin là, je me réveillai en sursaut, avec la nausée. Même si je commençais à avoir l'habitude, cela me répugnait.

J'avais caché à mon compagnon que tous les matins, à peu près, je vomissais par-dessus bord. Je ne voulais pas l'inquiéter. J'étais sans arrêt morte de faim et surtout... J'avais une envie irrésistible de boire du rhum. A chaque fois, la petite voix refaisait surface et soufflait : rien qu'une petite goutte, une toute petite goutte de rien du tout...

Mais je savais pertinemment que si j'en goûtais, même rien qu'une petite goutte, je n'arriverais pas à m'arrêter après.

Donc, comme chaque matin, je sortis de la cabine dans laquelle Estee et moi dormions en titubant et me précipitai sur le pont pour vomir par-dessus bord.

J'avais maintenant presque constamment mal au ventre, et le peu de nourriture que nous mangions n'était pas suffisantpour me nourrir moi et l'enfant. J'étais donc très maigre. Je tremblais sans arrêt, sans pouvoir m'arrêter, et je détestais ça.

Mais avec soulagement, je vis au loin l'île de la Tortue, et même d'ici je commençais à sentir la douce odeur de mes congénères, du rhum et du pain irlandais, la nourriture préférée des Pirates. Cela faisait bien longtemps que je n'en avais pas mangé, et j'en mourais de l'envie d'en goûter ne serait-ce qu'une petite bouchée.

Mais à la pensée de cette délicieuse nourriture, j'eus un haut-le-cœur et vomis le peu que contenait mon estomac par-dessus bord, une deuxième fois.

-Oh, par ma barbe...

Je fis volte-face mais je titubais. C'était Estee, et son expression était à la fois inquiète et apeurée. Il se précipita vers moi et me prit par les épaules, doucement :

-Neelya, est-ce que tu es malade ? Il faut le dire, hein, si c'est le cas.

Je répondis de ma voix faible :

-Non, ne t'inquiète pas... Tout va bien...

Je flanchais en tremblant. C'était de pire en pire. Il secoua la tête :

-Non non non. Je vois bien que...

Je le coupai :

-OK. Tu veux vraiment tout savoir ? Ça fait deux mois que je suis comme ça. J'en ai marre. Vraiment. Mais je sais pourquoi. C'est parce que je suis enceinte, Estee. Ça fait partie des inconvénients de la situation.

Il soupira :

-Oh. Et qu'est-ce qu'on va faire ?

Je souris faiblement :

-Rien du tout. On va attendre que j'accouche. Mais surtout, on va faire comme si de rien n'était et on va exécuter mon plan comme il se doit.

Il me serra dans ses bras, et je me rendis compte soudain qu'il était tout ce qu'il me restait.

Je me blottis contre lui et soufflai :

-J'espère que ta mère à des informations.

Il soupira :

-J'espère aussi.

Puis, nous restâmes ainsi, sans bouger ni parler. Comme si personne autour n'existait, et à un moment je me souvins qu'il y a trois mois environ, cet homme si formidable avait demandé ma main, et que ça m'était totalement sorti de la tête.

Je pensais que c'était le bon moment pour revenir sur le sujet, mais soudain Talon intervint :

-Cap'taine ! On arrive !