Chapitre 1

12 5 3
                                    

La pleine lune brillait au-dessus du White-Moon. Ses voiles d'argent virevoltaient au gré de violentes brises, toujours présentes sur la mer des Puissants. Le ciel bleu sombre, presque noir, était décoré d'un millier de petits points lumineux qui scintillaient. On entendait doucement les remous des vagues noires de l'océan contre la coque de bois claire quelque peu usée de l'imposant navire. Ce dernier, se balançant très lentement, entonnait en cette douce soirée une longue complainte qui ne semblait jamais finir. Certains n'y voyaient que le grincement des mâts, si grands qu'ils penchaient d'un millimètre ou deux, ce qui provoquait ce bruit, mais d'autres, plus vieux et plus sages, savouraient la chance offerte par leur Dieu d'entendre des navires un chant, doux, mélodieux, familier.
Le pont du White-Moon avait été soigneusement nettoyé, lissé. Sa propriétaire, très attachée à son bâtiment, ne manquait jamais à ses tâches ménagères. Rien ne traînait, pas même les traditionnelles bouteilles de rhum dans les coins de poussière, là pourtant étrangement propres. C'était un navire semblable aux autres, lorsqu'on prenait du recul. Un gouvernail planté sur un étage, accessible depuis le pont principal par des escaliers sans rampe.  Entre ceux-ci, se trouvait une porte de bois classique, avec pour seule décoration un hublot dont la vitre avait été soigneusement lavée. Dans la plupart des navires, cette porte menait à la cabine du capitaine. Sur celui-ci cependant, c'était une simple pièce occupée par un bureau couvert de paperasse bien rangée dans des commodes de bois classiques, alignées sur les côtés de la pièce. Au centre du pont, on trouvait une grande trappe qui menait aux étages inférieurs. Il y avait dans ces derniers de simples cabines réservées à l'équipage, ou encore les réserves de vivres empilées dans des caisses de bois.

*

A vrai dire, j'étais fière de mon navire. Soigné, élégant sous la pleine lune qui, pour une fois, n'était voilée d'aucun nuage.
Debout derrière le gouvernail, les mains sur les hanches, je regardais mon bâtiment, le cœur gonflé de fierté. C'est mon navire.
J'avais sous mon bras une vieille carte. Fragile, je n'osais trop l'utiliser comme je l'aurais souhaité, c'est-à-dire en l'emportant où je voulais sans avoir l'obligation d'y faire extrêmement attention. Je l'avais gagnée lors d'une magnifique partie de cartes sur l'Île de la Tortue. Les rumeurs là-bas  racontaient que la vieille carte indiquait des lieux inaccessibles renfermant des trésors que les Dieux eux-mêmes convoitaient. Mais certains disaient aussi qu'elle contenait une forme de magie unique en son genre, noire et puissante.
Mais je n'y avais pas prêté attention. Peut-être que j'aurais dû. Ou pas.

Je la disposais donc délicatement sur une petite table en bois verni à mes côtés. Je fouillai sous cette dernière et trouvai ce que je cherchais ; une bouteille de rhum, que je débouchai avec mes dents et dont je crachai le bouchon par-dessus bord.
Je baissai ensuite mes yeux vers la carte. Le ventre noué d'excitation, c'était la première fois que j'allais m'en servir. Qu'allais-je découvrir ? Un collier qui rendait immortel ? Une pierre qui déchaînait les vents et les océans, comme pouvait le faire notre grand Dieu à tous, Neptune ? 
Je caressais de mon doigt la vieille carte, qui avait pris une couleur marron orangé à cause de l'humidité et du temps. Il y avait en son centre une fragile roulette. Lorsque je tournai cette dernière, je vis avec admiration que les croquis sur le papier se muaient en de nouveaux dessins, représentant de nouveaux trésors. J'avais l'embarras du choix !
Je tombai alors sur le dessin d'une pierre hachurée en rouge. Je lus à voix haute :

-La Pierre Forbante... !

Même si je n'avais aucune idée de ce que ça pouvait être, ça brillait et j'aimais cela. A l'inverse des autres trésors, il n'y avait aucune description. Avec un sourire intérieur, je me dis que c'était peut-être parce qu'elle était bien trop puissante et que les créateurs de la carte voulaient éviter que n'importe qui s'en empare.
Je tapotai la pierre de mon doigt et déclarai, déterminée à rapporter cette merveille :

Les Jumelles et l'Autre côté du Miroir (Hors Série) -TERMINE, EN CORRECTIONS-Where stories live. Discover now