Contrat de survie

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POV Jungkook

Luxe... Une notion bien étrangère à mes yeux. J'ai appris que ce mot dénonçait un mode de vie consistant à pratiquer des dépenses somptuaires et superflues, dans le but de s'entourer d'un raffinement fastueux ou par pur goût de l'ostentation. Mais je ne comprenais pas. Pourquoi faire une telle chose ? Pourquoi s'extasier devant une Ferrari ou une Rolex ? Pourquoi s'embêter à porter du Dior ou du Louis Vuitton en craignant de tâcher ces vêtements si coûteux ? Pourquoi préférer se complaire dans cette opulence tout en regardant avec mépris des personnes qui ne pouvaient se permettre ne serait-ce que d'envisager de payer son essence et de manger à midi ? Non... La vie était d'une telle injustice qu'elle pouvait être effrayante. Je n'avais jamais eu l'occasion d'imaginer une vie où j'aurais pu bénéficier de ce privilège.

Mes parents s'étaient toujours battus pour subvenir à nos besoins. Propriétaires d'un petit restaurant de poulet, joindre les deux bouts leur avait toujours demandé un effort surhumain pourtant, ils avaient tout fait pour nous rendre heureux. Même si j'avais grandi dans des vêtements usés qu'ils avaient sûrement trouvés dans une décharge à défaut de pouvoir m'en offrir de nouveaux, face à mes centimètres gagnés chaque années, j'avais vu le temps que ma mère avait passé a recoudre chaque trou, ou chaque bouton perdu, alors je ne m'en étais jamais plein. À quel point aurais-je été plus heureux de recevoir des vêtements neufs ? Je ne l'aurais pas été, car cela aurait fait souffrir mes parents de nouveaux maux. Alors même si j'étais au courant de leurs difficultés financières, j'avais agi comme si je l'ignorais tout comme ils le souhaitaient.

Parfois, l'injustice de ce monde brûlait mon cœur aussi usé que mes chaussures. Je couvrais souvent mes yeux, refusant de baisser ma main de peur de voir la souffrance visible dans mon foyer. Mais il n'y avait pas de place pour les faibles ou les regrets dans ce monde. Alors, le cœur sur le sol, je m'étais toujours relevé et avais souri à mes parents qui paraissaient bien plus âgés que leur âge réel, déjà éculé par la vie. J'avais fini par m'habituer au regard des gens. Des regards de pitié, des regards de dégoût, des regards méfiants. « Putain de clochard » devait être leur insulte favorite bien que je n'ai jamais fait la manche.

Travailler ? Oh ça, je pouvais certifier avoir déjà testé par mal de métier. Au collège, j'avais commencé par livrer les journaux et le lait, puis l'été, j'aidais aux fermes. Au lycée, j'avais continué mes livraisons, et avais travaillé dans une supérette le week-end et les vacances. Puis, une fois mon certificat obtenu, j'avais pu travailler plus intensément sans les heures de cours. Alors, désormais, je cumulais trois emplois, travaillant de neuf heures à seize heures dans une clinique vétérinaire en tant qu'assistant. Puis je rentrais dormir avant de prendre mon poste de barman à dix-neuf heures, poste que je tenais jusqu'à une heure moins le quart avant de troquer mon tablier contre mes accessoires et de monter danser sur l'estrade jusqu'à la fermeture, soit six heures du matin. Je rentrais ensuite, épuisé, aider mes deux petits frères et ma petite sœur à se préparer pour l'école avant de m'effondrer sur mon lit jusqu'à la prise de mon poste. Je travaillais donc dix-huit heures sur vingt-quatre, cinq jours sur sept, dormant et mangeant dès que j'avais un creux dans mon planning chargé. Le week-end, j'avais plus de temps pour me reposer, même si je faisais mon possible pour aider mes parents avec le restaurant puisque je ne travaillais que onze heures.

Bien sûr, j'étais épuisé, mais que pouvais-je y faire ? Ce n'est pas en priant que l'argent allait tomber du ciel ! Alors, je me battais pour survivre et aider ma famille du mieux que je le pouvais. J'espérais que ma fraternité n'ait pas à se soucier de l'argent, qu'ils puissent manger à leur faim, acheter des uniformes neufs et j'avais le rêve fou que, eux au moins, ils puissent faire des études. Car l'une des choses que j'avais le plus regretté dans mon adolescence était d'avoir dû refuser d'aller dans l'école qui me proposait le métier de mes rêves malgré la bourse. Elle n'aurait payé qu'une partie du prix de l'inscription et n'aurait ni logé ni nourri ma famille. Alors, à contrecœur, j'avais poliment refusé leur offre généreuse.

The Survival ContractWhere stories live. Discover now