Le jour où nous nous retrouverons.

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J'ai hâte du jour où nous nous retrouverons. J'imagine fortement, tragiquement, cette scène. J'imagine que je suis dans ma chambre à l'étage de la maison de mes parents, que je suis assise sur mon lit, que je suis posté à mon bureau, à lire ou à écrire. Peut-être également que je suis sur mon téléphone portable, longuement allongée sur mon lit. Soudain, j'entends la voix de ma mère qui m'appelle. Peut-être également que soudain, je me mettrai à chercher quelque chose. Une paire de chaussure. Je veux sortir et je cherche ma paire de chaussures. En toute hâte, modestement habillée, dans un tourbillon de jupes, je descend les escaliers. J'ai l'air de flotter, de sautiller, d'éteindre le vent en descendant. J'ai les yeux rivés sur le sol et je fais des sauts. De petits sauts. Je dis : « maman, tu ne saurais où sont mes - A ce moment, je lève la tête. Mon cœur ! A ce moment, mon cœur se décroche de ma poitrine et tombe au fond de mon estomac. Je lève la tête, m'arrête au milieu de mes paroles et le flou envahit mes esprits. Je lève et la tête, me fige, comme tétanisée, comme face au Basilic. Je lève la tête et je te vois, toi et toi seul. Tu souris. Sourire crispé. Sourire malaise. Je n'arrive pas à bouger les muscles de ma mâchoire : mon visage reste figé dans une expression de stupeur. « Devine qui est venu nous rendre visite. » La voix de me mère me sort de torpeur. Tout à coup, il semble que je reprend vie, que mes neurones se reconnectent entre elles dans mon cerveau. « Oui, eh bien - maman, tu ne saurais pas où sont mes chaussures ? » « Dans le salon. » Je descends les escaliers, passe à côté de toi, sans un frôlement d'épaule, sans un regard en arrière. J'entre dans le salon et aperçoit dans un coin mes chaussures. Je les enfile rapidement du pouce. « Maman, je sors, dis-je une main sur la porte. » « Sois polie, salue notre invité » Je me retourne finalement vers toi et siffle entre mes lèvres serrées : « Salut, A... » Puis j'abaisse là poignet, ouvre la porte et disparaît.
Tu sais quoi ? Cette histoire est complètement bête. Pour différentes raisons. La première : je saurai incapable disparaître aussi vite. Malgré que parfois, je voudrais t'en vouloir davantage, je ne peux pas. Je me contenterai sûrement de rester tétaniser en espérant que tu ne t'approches pas de moi, au risque des nombreuses bêtises que je pourrai être amené à faire. La deuxième : je sais que plus jamais tu ne pourrais venir me voir. Je sais que tu as honte. Honte de moi. Honte de nous. Désormais que la plupart des gens savent, ta honte va en s'accroissant. Nos retrouvailles te mettrait sûrement dans un grand état de malaise. Un état de malaise. Je sais que je te mets malaise. Je sais que tu cherches à me fuir. Je sais que tu te poses la question de nous deux. Parce que nous deux est une chose honteuse, à tes yeux. Une chose que tu fuis désormais. Je ne crois pas que le peu de sentiments que tu éprouves pour moi puisse rivaliser avec cette honte immense qui te dévore l'estomac.

Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant