Chapitre 3 : Réveil

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 — «Madame Walker? Êtes-vous réveillée?»

Elewen ouvrit les yeux et poussa un grommellement endolori quand ses courbatures se réveillèrent. La vache, elle se sentait horriblement mal: sa tête tournait, elle avait l'estomac au bord des lèvres, son dos l'élançait comme si elle avait pris vingt ans en une nuit, et sa bouche était sèche comme un parchemin. Elle s'humecta les lèvres de sa langue, mais cela n'arrangea pas la sensation de malaise qui continuait à la barbouiller. Néanmoins, malgré son esprit embrumé, elle savait qu'il y avait du bon dans son mal de cryo. Si elle n'allait pas bien, c'était que le processus avait duré longtemps et qu'ils n'avaient pas été réveillés à cause d'une nouvelle urgence. Même si ça ne changeait pas le fait qu'elle avait la tête dans le cul.

La cloison de son caisson s'ouvrit lentement, l'enveloppant dans une lumière vive qui la força à détourner le regard et n'arrangea pas sa migraine. A sa grande joie, aucun bruit et aucune alarme ne vinrent déranger son réveil difficile, si ce n'était pour le ronronnement des recycleurs atmosphériques et de la machine de cryogénisation.

— «Comment allez-vous, madame?» demanda la voix désincarnée d'Anne, la faisant sursauter.

— «Je veux me rendormir,» marmonna-t-elle en se frottant les yeux.

— «Vous pourrez faire ça dans la chambre quand je serais assurée que vos fonctions vitales sont retournées à la normale. Redressez-vous et étirez-vous doucement, sans forcer.»

Elle voulut rétorquer quelque chose, mais sa migraine l'en empêcha. Elle décida donc d'obéir pour le moment et manqua d'être prise d'un haut-le-cœur quand elle se mit en position assise. Elle étira ses bras, ses doigts, fit craquer les os de son cou et de son dos, et retira doucement l'intraveineuse et les électrodes qui la gênait dans ses mouvements.

— «Fonctions vitales normales, malgré un mal de cryogénisation assez sévère,» nota l'IA.

— «Sans blague,» marmonna Elewen en enfilant ses vêtements aussi rapidement que le permettait ses muscles endoloris. Elle siffla quand une de ses lombaires se bloqua alors qu'elle mettait ses chaussures.

— «Voulez-vous un rapport de situation?

— Hmf.

— Je prends ça pour un oui. Nous sommes le quatre mai deux mille deux-cent-trente-trois, heure terrestre. Votre sommeil cryogénique a duré deux mois et six jours, délai durant lequel la capsule EU-70 a atteint le système Demetrius sans embûches. Aucun dégât notable lors du voyage.

— Je vois. Merci.» Jetant un regard derrière son épaule, elle remarqua que tous les autres caissons étaient vides. «Où est Elliot?

— Monsieur Leroy vous attend pour déjeuner dans le séjour. Vous pouvez le rejoindre si vous vous sentez assez en forme.»

Quand Elewen entra dans la pièce à vivre, son nez fut immédiatement assailli par l'odeur forte et familière du café et le clapotis du percolateur. Elle chercha Elliot des yeux quand elle ne le vit pas dans la cuisine: le jeune homme faisait défiler plusieurs textes sur son holoapp et ne l'avait pas remarquée. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien lire pour être aussi concentré; au moins était-ce assez intéressant pour qu'il ait le nez littéralement rivé dans l'écran virtuel et qu'il en oublie la table basse juste à côté de lui, préférant apparemment le confort du tapis.

Cela lui donna l'occasion d'observer un peu son profil. Il avait l'air bien plus jeune qu'elle et ses trente ans — sans compter la cryo —, bien qu'elle ignorait si c'était sa carrure plutôt petite ou son visage fin et imberbe qui lui donnait cette impression, probablement fausse, d'ailleurs. Presque tous les scientifiques de l'Icarus avaient un doctorat dans la poche et avaient donc au moins vingt-cinq ans. Ses cheveux mi-longs tombaient par paquets noirs devant ses petits yeux sombres et encadrés d'une paire de lunettes rondes, bien que cela ne semblait pas le déranger dans sa lecture.

Le Gardien de SouvenirsWhere stories live. Discover now