Chapitre 8: Xénobiologie

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 Assis sur le coin du caisson pour ménager sa cheville maintenant bien enflée, Elliot se pencha et posa ses deux mains sur le verre pour avoir une meilleure vue. L'intérieur était rempli de fluide et entièrement envahi par un tapis gondolé d'organes filamenteux et entremêlés... des racines, peut-être? Il n'était pas sûr: même si les tissus étaient relativement poilus et épais, il ne voyait pas d'organes photosynthétiques ou d'organes de réserve pour expliquer une croissance aussi extrême dans un endroit aussi restreint. C'était à peine s'il parvenait à voir l'éclairage du caisson entre les nœuds, ou le fond du caisson lui-même. La couleur de l'organisme était curieuse, elle aussi: bien que pâles de prime abord, les tissus semblaient scintiller d'un vif éclat bleuté à des intervalles réguliers avant de s'éteindre, tel un réseau nerveux géant envoyant une impulsion électrique. Vers quoi, il l'ignorait. Il avait besoin de prendre un échantillon de cette chose.

— «Tu sais ce que c'est?» lui demanda Elewen en s'appuyant contre le caisson. Malgré son attitude décontractée, il pouvait voir ses yeux scanner frénétiquement l'organisme flottant et ses mains tapoter nerveusement le verre. «C'est une plante?

— Non, elle n'a pas de pigments... en tout cas, ce n'est pas photosynthétique. Probablement une sorte de champignon, ou peut-être une colonie géante de bactéries. Il faudrait ouvrir le caisson et prendre un échantillon pour faire des analyses complémentaires au vaisseau pour en savoir plus.

— N'est-ce pas plus sûr de laisser ce truc à l'intérieur? Il est peut-être enfermé pour une raison... et si c'était quelque chose de dangereux, genre un truc toxique ou une bio-arme?

— Si c'était le cas, nous n'aurions probablement pas pu y accéder si facilement: le caisson est en plein milieu d'une pièce enterrée à moins d'une dizaine de mètres de profondeur, il n'y a pas de portes hermétiques, pas de mots de passe, pas de système contre les intrusions, rien qui laisse indiquer un danger. Si tu veux mon avis, c'est comme si cet endroit avait été construit pour être trouvé... et ne me dis pas que tu ne meurs pas d'envie de toucher ce truc.»

Elewen pouffa et lui lança un regard mesquin.

— «Alors, dès qu'on parle potentiellement de plantes et de champignons, monsieur Leroy n'a plus peur de rien, hein?

— Au moins, mes échantillons ne cherchent pas à me dévorer, moi.

— T'es juste jaloux que mes spécimens me fassent plus de câlins que tes herbes toxiques.

— Et t'es juste jalouse que Milo m'aime plus que toi.»

La jeune femme prit un air faussement renfrogné et lui fit une grimace immature qui lui arracha un petit rire.

Leurs chamailleries terminées, Elliot descendit prudemment du caisson et tâta la structure à la recherche d'une encoche qui pourrait lui permettre de l'ouvrir. Il ne trouva rien de concluant: la qualité de l'alliage était irréprochable, sans aucune imperfection, et rien ne semblait indiquer que la paroi de verre pouvait être ouverte d'une façon ou d'une autre. Un tour complet du caisson lui révéla qu'une des faces était connectée à une série de tubes et de câbles qui fuyaient sous le sol métallique pour ne plus jamais être revus. Maintenant qu'il y regardait de plus prêt, les tubes et câbles continuaient à l'intérieur du caisson et s'enfonçaient plus profond dans les nœuds de l'organisme enchevêtré: ce caisson servait-il à surveiller ses signes vitaux, à le garder en vie d'une façon ou d'une autre?

Au-dessus de cette face se trouvait une grande plaque horizontale qui lui arrivait au niveau du menton. Bien qu'assemblée dans le même alliage froid et géométrique que le reste de la structure, les étranges symboles gravés dessus et la façon dont le bloc ressortait lui hurlaient que c'était quelque chose d'important. Se mettant sur la pointe des pieds pour mieux voir, il tendit le bras pour épousseter le panneau au meilleur de ses capacités et fit un bond en arrière quand la plaque s'illumina avec un 'ping' sonore qui résonna dans toute la pièce. La chambre, comme pour répondre à son appel, s'éclaira avec un doux vrombissement, les lignes sur le sol et les murs se colorant d'une pâle lumière rougeoyante qui rappelait à Elliot les lumières d'urgence de l'Icarus.

Le Gardien de SouvenirsWhere stories live. Discover now