Chapitre 9: Rétablissement

2 1 0
                                    


 L'extraterrestre ne se réveillait pas.

L'émerveillement de la rencontre s'était dissipé depuis longtemps pour laisser place à la confusion et l'appréhension. Les pâles lignes de lumières qui éclairaient la pièce avaient fini par s'éteindre avec un clignotement faiblard, les enveloppant dans la pénombre. L'être libéré de son enveloppe végétale et recroquevillé misérablement sur le sol froid semblait bien vulnérable, à présent: ses évents sifflaient une respiration irrégulière, ses antennes pulsaient d'un bleu blafard comme une ampoule en fin de vie et ses flancs faméliques laissaient voir la structure étrangère de l'ossature qui lui collait à la peau. S'il avait survécu dans ce caisson, c'était de peu. A quelques jours près, ils y auraient trouvé un cadavre décharné à la place.

Elewen fut la première à réagir. Elle fit un pas hésitant en avant, les mains tendues devant elle en guise de maigre protection et, une fois assurée que la créature était bien inconsciente et n'allait pas lui sauter dessus à la première occasion, s'accroupit à ses côtés. Son cœur battait beaucoup trop vite et sa respiration était délibérée et tremblante. Comment était-elle censée réagir après une expérience pareille?

— «Il est si maigre...» murmura-t-elle, sa main flottant au-dessus du corps tremblant de la créature sans vraiment oser le toucher. «Le caisson ne devait plus avoir de quoi assurer ses besoins nutritifs. C'est probablement une bonne chose qu'on l'ait sorti de là.

— ... Qu'est-ce qu'on fait, maintenant?» demanda Elliot en s'installant près d'elle, la voix chevrotante d'inquiétude. «Il va mourir...?

— Je ne sais pas, Elliot. Je ne sais pas...»

L'idée de laisser l'extraterrestre ici, à la merci de la faim, du froid et des prédateurs de la forêt au-dessus était insupportable pour Elewen. Il n'était pas comme les autres espèces qu'ils avaient cataloguées jusqu'à présent: s'il avait été conservé dans ce caisson assez longtemps pour arriver à court de nutriments, c'était forcément pour une raison importante. Ils ne pouvaient pas simplement le laisser mourir, alors que la civilisation qui l'avait mis là avait fait tant d'efforts pour assurer sa survie... qui sait, peut-être était-ce un membre estimé de cette espèce intelligente et qu'ils pourraient en apprendre plus de lui à son réveil? L'idée d'une telle possibilité faisait trembler les mains de la xénobiologiste d'une excitation teintée de nervosité.

Néanmoins, bien qu'étant visiblement dans un état extrême de malnutrition, la créature restait massive: deux fois plus longue qu'Elewen était haute et probablement tout aussi lourde, essayer de la traîner en lieu sûr alors qu'ils étaient blessés et que la bête qui les avait pourchassée était sûrement dans les parages était une peine perdue. Attendre qu'elle se réveille n'était pas vraiment une option, non plus: la lumière au-dessus d'eux se faisait de plus en plus discrète, annonçant l'arrivée prochaine du crépuscule. Malgré leur curiosité grandissante, ils n'avaient jamais tenté de passer la nuit dehors pour des raisons évidentes de sécurité. Le froid et la sortie de nombreux prédateurs pourraient rapidement avoir raison de deux scientifiques pas très sportifs et mal préparés.

Sans option meilleure que l'autre, il n'y avait rien qu'ils puissent faire à part limiter les dégâts.

— «Il faut lui trouver quelque chose à manger, et vite,» finit par dire Elewen. «Mais quoi...?

Elliot ne répondit pas, trop occupé à observer la créature inconsciente. La respiration de cette dernière s'était allongée et ses membres filiformes commençaient à tressauter légèrement, comme si elle était en plein rêve. Si c'était une bonne chose ou non, Elewen l'ignorait. Ils devaient se dépêcher.

Poussant un soupir pour calmer son stress, elle saisit délicatement la tête de l'alien à deux mains et la posa sur ses genoux pour la redresser. Les capteurs de ses gants lisaient une température de trente-deux degrés, alors que ceux sur son casque montraient une température plus fraîche de vingt-cinq degrés. L'extraterrestre produisait donc de la chaleur... mais était-il à la bonne température? Elle savait que chez les homéothermes, la température du corps dépendait de son métabolisme et de son niveau d'activité. La créature actuellement entre ses mains était inerte et était restée endormie pendant Dieu-savait combien de temps: faible comme elle était, il était beaucoup plus probable qu'elle soit en hypothermie qu'autre chose. Il fallait absolument l'empêcher de perdre plus de chaleur, s'ils voulaient qu'elle ne s'épuise pas inutilement à retrouver une température normale.

Le Gardien de SouvenirsWhere stories live. Discover now