Chapitre 12: Communication

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 — «Alors, Anne,» demanda Elewen. «Que penses-tu d'Icare?»

Elle était assise à même le sol moquetté, courbée au-dessus de la table basse, et transcrivait ses notes de terrain dans un dossier numérique pour les garder en sûreté, comme presque tous les soirs. L'interface de sa holoapp s'élargit sous ses doigts pianotant, un onglet glissant de lui-même sur le côté pour laisser voir l'avatar de l'intelligence artificielle, tel un visage souriant dans le coin de sa vision.

— «L'intérêt que vous portez au sionien semble mutuel, il n'est pas agressif et il semble désirer apprendre à communiquer verbalement malgré les difficultés anatomiques et cognitives qu'il possède. Je dirai que c'est une excellente nouvelle pour vos recherches, madame Walker.

Sionien était la traduction qu'Elewen avait trouvé pour Ra'ok en lainco, la langue véhiculaire des colonies humaines. Après tout, les terriens venaient de la Terre, et les martiens venaient de Mars, alors il était plutôt logique que le premier organisme intelligent de Sion soit appelé sionien, non? Au moins, à défaut d'être original, c'était facile à prononcer.
La confirmation d'Anne arracha un sourire en coin à Elewen: la situation était véritablement merveilleuse, digne d'un film de science-fiction. Elle voulait simplement s'assurer qu'elle n'allait pas se réveiller au moment le plus inopportun.

— «Vu ses difficultés avec la phonétique du Lainco, je pense qu'il sera de notre responsabilité d'apprendre son langage plutôt que le contraire,» marmonna-t-elle. «Cela nous fera gagner du temps, et on en aura besoin si on veut établir rapidement un terrain d'entente pour les études et éviter les malentendus.»

Bien que cela la déprime un peu de l'avouer, ils ne communiquaient pas avec le Ra'ok uniquement pour le plaisir de communiquer, aussi passionnant que cela puisse être. Après tout, dans cette situation, ils n'étaient pas juste des scientifiques qui étudiaient un nouveau spécimen. Ils étaient des diplomates, les représentants de l'humanité pour cette espèce extraterrestre. Ils ne pouvaient pas simplement décider de la brancher à des machines, de lui prélever des bouts et de toucher toutes les parties de son corps pour voir comment elle fonctionnait. Au mieux, ils auraient un alien énervé sur les bras, et au pire, ils créeraient un incident diplomatique avant même que l'humanité n'apprenne l'existence d'une vie extraterrestre supérieure dans l'espace. Ils devaient établir des règles de bienséance, des limites à ne pas dépasser avec Icare, afin de créer un environnement de confiance dans lequel leurs deux espèces pourraient en apprendre plus l'une sur l'autre. Et ils ne pourraient faire ça que s'ils avaient un semblant de langage avec lequel communiquer.

Alors qu'elle continuait d'écrire son rapport, Elewen entendit le froufrou familier d'ailes derrière son dos et poussa un soupir consterné quand Milo atterrit bruyamment sur la table, picorant l'interface virtuelle de son holoapp avec son rostre et bloquant sa vue de ses ailes repliées. Elle essaya de le chasser d'un bras distrait, mais il revint aussi vite qu'il était arrivé en poussant ses pépiements suraigus, sa queue s'enroulant autour de son poignet comme pour l'arrêter d'écrire. Quand elle leva le bras et lui offrit une grimace exagérément sévère en guise de réprimande, il passa sa langue interminable contre son arcade sourcilière, totalement insouciant face à la situation.

— «Milo, laisse Elewen terminer ce qu'elle fait.»

Elliot siffla et l'hexaptère voleta précipitamment jusqu'à son avant bras tendu pour recevoir sa récompense: une bonne lampée de miel directement à la bouteille. Le botaniste avait découvert qu'en plus d'être dans un état quasiment constant d'hyperactivité, la petite créature était aussi vive d'esprit, apprenant rapidement les tours et les commandes quand un peu de nourriture était à la clé. Ainsi prenait-il le temps de dresser le reptile volant quand il avait un peu de temps libre, temps hors de la cage que celui-ci semblait grandement apprécier. Cela voulait aussi dire que l'animal était quasiment conditionné à se percher sur l'épaule du botaniste à chaque fois qu'il était de sortie, au grand chagrin d'Elewen, qui peinait à le garder sur le bras plus de quelques secondes avant qu'il ne s'envole. Elle essayait de ne pas montrer sa déception et son manque de patience: même en étant xénobiologiste, elle ne pouvait pas contrôler les affections de l'animal, après tout.

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