Chapitre 17 : Cri solitaire

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 — «Madame Walker, monsieur Leroy, j'ai terminé mes scans quotidiens du vaisseau: souhaitez-vous recevoir mon rapport?»

Elliot était trop occupé pour répondre; un crayon dans la bouche et un mètre ruban dans les mains, il faisait de son mieux pour mesurer Icare sous tous les angles que lui demandait Elewen. Ce n'était pas uniquement par pure curiosité et intérêt scientifique qu'ils faisaient cela: ils avaient également besoin des mensurations du sionien pour lui créer un harnais de corde qui lui permettrait de transporter des sacs sur son dos et de leur faciliter grandement la tâche lors de leurs cueillettes régulières. L'alien, comme à son habitude, les laissait faire avec patience, et bien que ses vibrisses colorés s'hérissaient à chaque fois qu'ils frôlaient un peu trop le creux de ses flancs ou son encolure, jamais il ne broncha.

— «Vas-y,» répondit Elewen, le nez plongé dans le dessin du harnais qu'elle était en train de concevoir.

— «Très bien. Globalement, l'intégrité du vaisseau demeure optimale et aucun système vital ne risque une défaillance immédiate. Néanmoins, j'ai détecté une nouvelle anomalie qui pourrait potentiellement nous poser problème.

— Ne me dis pas que les aéronautes sont revenus nicher sur les panneaux solaires,» geignit Elliot en enlevant le crayon de sa bouche. «J'en ai marre d'aller récurer leurs crottes...

— Les platyceps continuent de creuser des galeries sous les trains d'atterrissage du vaisseau?» proposa calmement Elewen. «Je les entends parfois gratter contre la coque la nuit; j'espère qu'ils ne vont pas se tenter à grignoter le métal...

— Non, ce n'est pas ça. Un troupeau d'escandes à crinière commence à rôder autour du vaisseau. Ils abîment la coque en grimpant dessus et en y marquant leur territoire.

— Oui, leur régime riche en sels minéraux et en plantes toxiques rend leurs excrétions particulièrement acides. Il faudrait que quelqu'un aille les chasser... Icare, tu peux t'en charger?»

Le sionien se dressa en entendant son nom et pencha la tête sur le côté, intrigué par le sujet de leur conversation en Lainco. Quand Elewen lui traduit leur requête en sionien, il s'ébroua avec ferveur et piaffa contre le sol métallique.

— «Oui, moi pouvoir aider! Ra'ok prédateur beaucoup animaux, donc animaux éviter endroit où voir et sentir Ra'ok. Moi aller maintenant!»

Il partit en direction du sas au petit galop sous le regard respectivement amusé et ennuyé d'Elewen et Elliot.

— «... J'avais pas fini de mesurer,» marmonna le botaniste.

— «Ça peut toujours attendre.

— Madame Walker a raison,» confirma Anne. «L'intégrité du vaisseau est d'une importance capitale à votre survie. En parlant de cela, je désire aborder un sujet important avec vous.»

Le ton de l'IA était courtois et impersonnel, comme toujours, mais Elliot parvint à déceler une once d'insistance dans l'absence inhabituelle de pause entre chaque phrase. Il s'assit sur une des paillasses et se pencha vers l'avatar sur le panneau de contrôle.

— «On t'écoute,» dit-il sans parvenir à masquer l'inquiétude dans sa voix.

— «Il s'agit d'une bonne nouvelle. Cela fait maintenant plus d'un mois que vous êtes sorti de votre capsule de cryogénisation, et je vous pense physiquement prêts à supporter une nouvelle année de congélation.»

Elliot ouvrit la bouche, mais il ne savait pas quoi dire. Il avait été tellement absorbé par l'exploration et l'étude de Sion et par l'apprentissage de la langue d'Icare qu'il avait totalement oublié qu'ils avaient d'abord commencé tout ça juste pour passer le temps entre leurs hibernations artificielles. Lui qui avait été terrifié lors de leurs premières expéditions, c'était une tournure d'événement pour le moins étonnante.

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⏰ Last updated: Sep 08, 2023 ⏰

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