Justice in the Barrel //Minlix//

20

« - Ta famille ne te manque pas ? »

Cette question brisa la bulle de tranquillité de Felix. Il rouvrit les yeux pour s'asseoir au milieu du lit, quittant l'étreinte chaude de Minho, et il rajusta les draps sur son pyjama en cherchant ses mots :

« - Je... Normalement j'évite d'y penser. C'est- c'est rattaché à tellement de... De douleur et de... Il déglutit difficilement. Ça me renvoie à tout ce que j'étais avant ma transition, à mon mal-être et ma dépression et à mon identité de- de fille et à mes parents qui me haïssaient et- et mes sœurs... Des larmes brûlèrent ses yeux. Elles me manquent tellement... »

Aussitôt, dès que sa voix se brisa, Minho s'assit à son tour et il posa une main prudente sur le bas de son dos :

« - Lix-

- C'étaient les seules qui essayaient de me comprendre ! Felix avait tant retenu sa peine pendant des années que tout explosait. Elles ne comprenaient pas tout mais- mais elles essayaient ! Quand on était tous les trois elles me genraient comme je leur demandais et- et- et elles utilisaient mon prénom, celui que j'avais choisi, pour mon anniversaire elles m'ont même offert mon premier caleçon et- De grosses larmes roulèrent sur ses joues. Quand je suis parti... J'ai essayé de garder contact avec elles mais elles n'ont reçu aucun de mes SMS ou de mes lettres et je n'avais pas l'argent pour continuer à leur écrire d'aussi loin et- et je ne pouvais pas retourner là-bas, je ne pouvais pas- je ne voulais pas faire face à mes parents et entendre de nouveau leurs insultes et- »

Minho attira son corps tremblant à lui, le laissant mouiller son tee-shirt de ses larmes :

« - Elles ont dû tellement grandir et- et ça me tue de ne pas savoir ce qu'elles sont devenues, de ne pas savoir si Rachel a pu suivre son rêve de devenir traductrice et si- si Olivia a enfin trouvé sa voie- de- de ne rien savoir sur elles, sur leurs vies, sur... Il sanglota. Mais je ne pouvais pas rester là-bas, pas avec mes parents, pas avec... Avec tout ça... »

Quand il était arrivé en Corée, totalement perdu et convaincu que c'était le seul moyen pour lui de commencer une nouvelle vie loin des griffes toxiques de ses parents, il ne pouvait s'empêcher de penser à ses sœurs, à leur réaction en apprenant son départ, à leur déception de savoir leur nouveau frère chéri parti si loin d'elles. Peut-être qu'elles avaient décidé de couper les ponts avec lui, tout comme Felix avait tenté de le faire avec ses parents. Peut-être qu'elles avaient enfin cédé et qu'elles partageaient à présent la mentalité et les idées de leurs parents, peut-être qu'elles avaient bloqué son numéro, ou qu'elles ignoraient tout simplement les nouvelles qu'il tentait parfois de leur donner.

« - Lix... Minho essuya doucement ses joues, le visage peiné. Tu aimerais les revoir ?

- Je ne- Il se tut en reniflant, ses mains agrippées aux biceps du plus vieux. Je ne sais pas. Peut-être. Sûrement, oui... Mais... J'ai peur. Elles ne m'ont jamais connu comme ça, comme... Comme un homme, avec ma voix et- et mon apparence... J'ai si peur de les décevoir, qu'elles me disent qu'elles me préféraient avant ou- ou... Qu'elles soient comme mes parents...

- Si elles t'aiment comme toi tu les aimes, tu ne penses pas qu'elles seraient ravies et soulagées de savoir que tu vas bien ? »

Felix mordilla sa lèvre et il laissa Minho les rallonger sous les draps. Il se fit tout petit contre lui, le nez dans son cou, avant de murmurer dans le noir de la chambre et de leur lit partagé :

« - Est-ce que je vais vraiment bien ? »

La main du plus vieux qui caressait ses cheveux s'arrêta et il pouvait entendre sa confusion dans sa voix :

« - Tu ne vas pas bien ?

- Je ne sais pas... avoua le blond. Depuis que- que je te connais, je sais que ma vie a changé, que je n'ai plus à avoir peur de me retrouver à la rue et que... J'ai enfin des amis sincères et- et puis toi aussi mais... J'ai toujours ces angoisses et cette- ce... Cette dysphorie... J'ai toujours l'impression d'usurper mon identité et de te tromper toi et- et si je revois mes soeurs, elles penseront peut-être que je ne suis qu'une pâle copie de- d'un homme... »

Le silence lui répondit. Felix renifla et il se pressa un peu plus contre Minho :

« - Je sais que la psy me fait du bien et que je vais quand même mieux depuis que tu m'as poussé à aller la voir mais... Mes sœurs... Elles étaient tout ce que j'avais, c'est pour elles que j'ai supporté mes parents pendant aussi longtemps et... Je sais pas si je suis prêt à refaire face à mon passé comme ça.

- Je comprends Lix, Minho déposa un baiser sur son front. Je suis désolé d'avoir posé la question. »

Un léger sourire orna les lèvres du blond, qui tira les draps sur leurs corps enlacés :

« - Tu t'es retenu longtemps mais j'étais sûr que tu finirais par la poser. J'en étais sûr.

- Tu me connais déjà si bien, Minho fit mine d'être choqué. »

Comme il l'espérait, Felix pouffa de rire et il glissa ses mains sous le tee-shirt du plus vieux pour caresser ses hanches :

« - Merci Min... C'est toujours difficile pour moi de parler de ça.

- C'est normal, la famille c'est jamais un sujet facile. »

Le blond gigota pour pouvoir se lover tout contre Minho, et il posa sa tête sur son torse en demandant avec une hésitation audible :

« - Toi aussi tu as des... Problèmes familiaux ?

- Oh, non, pas du tout. Je suis enfant unique. C'était plus pratique pour mon père, au moins aucun frère ne pouvait prendre ma place et le pouvoir. »

Minho glissa ses doigts dans les mèches blondes du plus jeune avant de changer totalement de sujet :

« - Tu laisses pousser tes cheveux ? Ça te va vraiment bien. »

Le compliment fit sourire niaisement Felix, qui eut un frisson de contentement :

« - Merci. C'est Chan qui m'a dit que ça pourrait bien m'aller et- et... Il mordilla sa lèvre avant d'avouer. Et que ça te plairait sûrement...

- Ce traître, il dévoile mes faiblesses comme ça, marmonna Minho. »

Le plus vieux eut un long soupir :

« - N'écoute pas tout ce qu'il pourra te dire. Il aime me faire souffrir. »

Felix ne put retenir son sourire et il pressa son visage contre son épaule pour y laisser un baiser. Il était possible que Chan lui ait soufflé d'autres idées et il avait hâte de pouvoir toutes les essayer...