Chapitre 15

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Martin.


Vidé de toute énergie et plein de sueur après l'heure de course que je viens de m'infliger, je m'affale dans le canapé. La fenêtre ouverte, j'entends au loin les voitures qui traversent le boulevard et les passants qui profitent des derniers instants de soleil. J'essaye de reprendre une respiration normale. Il faut dire que je n'y suis pas allé de main morte ! Mais en même temps, ce footing ne m'a pas fait de mal. Juste moi, mon corps sans penser à rien d'autre.

Plus serein, je puise dans le peu de force qu'il me reste pour attraper mon portable sur la petite table. C'est le moment fatidique. L'annonce des joueurs sélectionnés pour les matchs de qualifications pour l'Euro 2024 en Allemagne. J'ai encore l'espoir de figurer dans la liste même si ces deux dernières semaines je les ai passées loin de mon club respectif.

Je rêve de voir apparaitre mon nom accompagné de Thibaut, de me retrouver au côté de Hugo Kaplan. Alors, pourquoi stresser ? J'ai confiance en mes capacités, je sais que je peux apporter beaucoup à l'équipe. Ils ne se baseront pas seulement sur une simple altercation, n'est-ce pas ?

Je ne cesse de rafraîchir la page, à la recherche de la moindre liste ou conférence de presse. Je ronge mes ongles sous l'angoisse de ne pas me trouver. La main qui tient mon portable tremble. Si la course a pu contenir mes pensées, mon cerveau recommence à surchauffer à mesure que les secondes défilent. Je devrais appeler Thibaut, je suis certain qu'il m'apporterait le soutient dont j'ai besoin, mais je me doute que sa famille est avec lui, attendant avec impatience cette annonce uniquement pour se vanter d'avoir leur progéniture représenter la France.

Je pourrais être accompagné de ma mère et de mes grands-parents, mais je suis seul, éloigné de tous pour affronter cette épreuve. Arthur s'est proposé, mais je ne voulais pas l'embêter plus que ça. Il a assez à faire avec ces études. Je me retrouve donc comme un idiot, allongé sur le canapé, le portable en hauteur à guetter toutes les secondes les différentes interviews.

« Les 16 joueurs sélectionnés en Équipe de France. Qui sont les nouveaux visages ? »

Je tremble en voyant le titre de l'article. Je sens mon pouls s'accélérer. Avec appréhension, je clique sur le lien. Je défile. J'ignore l'introduction habituelle qui présente seulement les enjeux des deux prochaines rencontres. Ce n'est pas intéressant. Tout le monde sait que ce sont les qualifications, pour quoi autant détailler et ne pas directement révéler la liste ?

Je la lis une fois. Deux fois. Trois fois. Même une quatrième fois, mais je ne trouve jamais mon nom. J'ai bien aperçu celui de Thibaut, pas de doute possible dans les demi-centres. Mais je ne figure pas parmi les arrières droits.

Je laisse retomber mon cellulaire sur ma poitrine pendant que je passe une main sur mon visage. Je ferme les yeux. Je mords ma langue au point de sentir le goût du sang. J'ai qu'une envie : hurler. Céder face à la frustration qui me hante.

On gravira les échelons tous les deux, promis ?

La voix de Thibaut quand nous étions plus jeunes bourdonne dans ma tête, me ramenant cette promesse de plein fouet. On devait y aller ensemble. Tout scénario différent était impossible, impensable. Et pourtant, les portes tricolores viennent de se fermer devant moi.

Je quitte la page pour le rafraîchir. C'est peut-être qu'une simple erreur, un simple oubli ? Si je regarde sur un autre site, peut-être que mon nom apparaitra.

Ou je me fais juste un film.

Rien n'a changé. Les seize sélectionnés restent les mêmes.

Un nouvel article avec l'interview de l'entraîneur, Guillaume Dreyer, est mis en ligne. Je ne devrai pas y aller. Je le sais. Pourtant, je ne peux m'empêcher de vouloir la découvrir.

Heart MatchWhere stories live. Discover now