Chapitre 28

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Martin.


L'entraînement ne débute que dans une heure, mais j'ai préféré me rendre en avance à la salle. J'espérais y trouver Henry. C'est le premier obstacle de cette longue journée qui m'attend. Ensuite, il faudra que j'affronte mes coéquipiers qui ne manqueront pas de me chambrer. Enfin, l'ultime piège qui se dresse sur mon chemin : mon père. Après je ne sais combien d'années passées sous silence, il est sur Montpellier. Il désire me voir, renouer un lien. Aucune nouvelle, il a juste joué au mort pour revenir comme si de rien n'était ?

Je ne peux retenir un rire amer. Je n'ai pas cessé de relire en boucle ses mots. De les déchiffrer. De savoir ce qui se cache derrière cette envie de me retrouver, aujourd'hui et non avant, quand j'avais le plus besoin de lui ?

Mon grand-père est catégorique : je ne devrais pas y aller. Je ne dois pas m'épuiser pour un adulte qui a abandonné sa famille. Ma mère est plus mitigée. J'imagine qu'elle désire de connaître une réponse, malgré les années. Elle a certes tourné la page, mais une part d'elle exige d'en apprendre plus. Il aurait pu au moins la contacter. Lui expliquer. Mais non, le grand Mateo n'a pas à donner d'excuses, à croire que son statut de prodige argentin l'en a dispensé.

Je toque au bureau. J'espère qu'Henry n'est pas occupé et qu'il aura quelques instants à m'octroyer. Juste le temps de tout mettre au clair. Des réponses sont nécessaires.

— Je suis heureux de te revoir Martin, m'accueille-t-il.

— N'ai-je été qu'un pion dans cette histoire ? déclaré-je de but en blanc.

Il remonte ses lunettes et joue avec son alliance. Son regard évite le mien comme s'il anticipait les prochaines minutes. Le clavier de l'ordinateur décalé, j'accapare toute son attention désormais.

— Je ne sais pas de quoi tu parles. Tout ce que j'ai fait, c'était pour toi.

— Évidemment. M'envoyer en prêt dans un club dont les finances ne sont pas stables n'était pas une de vos manigances pour rapporter de l'argent comme si j'étais qu'une vulgaire bête de foire ?

— Tu ne peux pas comprendre Martin. Mais si je l'ai fait, c'était aussi pour te faire prendre conscience de tes actions. Je savais que Sylvain t'aiderait.

Je lève les yeux au ciel. Un soupir s'échappe de mes lèvres. J'attrape un stylo qui traîne sur le bureau et il tourne dans mes mains. Ma jambe tremble sans que je ne puisse l'arrêter.

— Comment vous pouviez en être sur ? J'aurais pu ne pas coopérer. Puis, ce n'est pas lui directement qui m'a aidé.

— Parce qu'il a été présent quand j'avais besoin de soutien, qu'il connaissait les problèmes du haut niveau. Il était cette personne qui te fallait.

Tu parles ! J'ai plus appris avec ma mère, à des kilomètres au téléphone, et même avec un gamin, qu'avec lui.

Je ressens une bouffée de frustration monter en moi. Henry élude mes questions, me donnant des réponses vagues et incomplètes. Je l'ennuie plus qu'autre chose. Des dossiers doivent l'attendre, plus importants que ma petite crise. Je m'efforce de garder mon calme, pourtant chaque mot qu'il prononce ne fait que renforcer mes doutes sur ses véritables intentions. Le visage d'un nouvel homme se dessine, bien loin de la personne que j'ai idolâtrée plus jeune. Devant moi, je ne vois plus que celui qui gère son club pour gagner le plus d'argent sans se soucier du reste.

— Je ne suis pas une marionnette maniable, vous auriez dû me consulter. Pourquoi avoir tant misé sur moi si c'est pour me jeter aux oubliettes ? craché-je.

Heart MatchWhere stories live. Discover now