Iolass

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Le vieux temple n'est plus qu'un tas de cendres. La nuit tombe. Les braises rougissent encore, fournissant la chaleur nécessaire. Alia ne cesse de bercer l'enfant éploré. Tout ira bien. Mais il ne s'arrête pas. Sa douleur est infinie. Une mère ne se remplace pas. Je m'approche.

_ Ce n'est pas ta faute...

_ J'aurais dû les emmener.

Elle hésite, désespérée. C'est vrai que j'ai du mal à percevoir l'importance de cet enfant. Il est lié aux voix d'Hadès. Ça ne me plait pas. Pourtant je lui pose la principale question.

_ Qu'as-tu vu ?

Elle ne répond pas mais ses yeux désignent distinctement Baal. Je ne comprends pas immédiatement. Le même regard noisette, les mêmes boucles d'ébène, et cet air faussement revêche. Bien sûr ! Mais elle n'y peut rien ! Ce n'est pas elle qui l'a chassé, qui l'a vendu puis enfermé dans l'andréion. Elle ne peut les sauver tous. Quand cessera-t-elle de lutter contre cela ?

_ Que puis-je lui dire ? murmure-t-elle.

_ Tu lui rends un fils. La vérité suffira.

_ Me croira-t-il ?

_ N'en doute pas.

Elle serre l'enfant dans ses bras un instant puis se lève, s'avance vers Baal. Je la laisse faire en retrait. Pourtant j'ai un étrange sentiment en les voyant tous les trois, comme une envie. La manière dont elle tient l'enfant peut-être, ce geste protecteur, infiniment tendre. Le regard de mon ami qui découvre l'impensable. Cette façon si particulière de reprendre celui qui est le sien. Les yeux baissés d'Alia lorsqu'elle prononce :

_ Je parlerai à Hippolyte quand nous rentrerons.

_ Non, supplie le géant hyksos, s'il vous plaît, qu'il reste de votre maison.

Elle ne sait que répondre. Jamais Alia n'a imaginé posséder une maison d'esclave, voilà qu'aujourd'hui elle en a deux. Elle hoche la tête et retourne s'asseoir près d'Akra qui pose sa gueule sur ses genoux. Je devrais trouver cela touchant, parfait, je devrais être serein mais je n'y parviens pas. Elle cache quelque chose. Je connais ce regard fuyant, presqu'éteint, torturé. Son plan est établi ; je n'en fais pas partie. Elle me tient à l'écart, juste à l'écart. La questionner ne servirait à rien. Il me faut rester sur mes gardes. 

DélugeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant