Chapitre 6

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Médusa m'avait montré son petit sanctuaire au cœur de ce palais en ruine. Une pièce en particulier avait tenu le coup face aux tremblements de terres plutôt communs d'après la femme-serpent. Une salle de détente. Elle contenait des tissus et couffins qu'elle avait collecté dans tout le palais et une fontaine encore fonctionnelle où elle se détendait lors des journées chaudes. Je découvrais un environnement étrangement humain, pas celui qu'un monstre sanguinaire aurait pris pour quartier.

- « Tiens. »

Je fus arrachée à mes tergiversations par la voix de mon hôte. Je tendais les bras devant moi avant que ma main ne rencontre une forme sphérique que je devinais être un fruit. Il était doux et sentait bon.

- « Merci. »

Je fis rouler l'aliment entre mes doigts. Il était charnu, comme tous ceux qu'elle m'avait apporté plus tôt dans la semaine.

- « Où est-ce que tu les trouves ? Les gens du groupe n'ont découvert que de la viande sur cette île. »

- « Il y a une salle au fin fond de ce palais où pousse un arbre éternel. Il me donne des fruits toute l'année et ce pour l'éternité. »

J'avais déjà entendu des légendes sur ces arbres, ils étaient d'une extrême rareté. Toute l'année, ils donnaient des fruits juteux et nourrissants sans avoir besoin du soleil ou de la pluie. C'est ce qui en faisait des denrées rares.

- « Ce sont mes sœurs qui me l'ont offert, pour être sûr que je ne manque jamais de rien. »

- « Tes sœurs ? Sont-elles aussi sur l'île ? »

Médusa sembla peser le pour et le contre avant de répondre.

- « Non, elles parcourent le monde à la recherche d'une solution. »

Je croquais dans le fruit, il était sucré et tendre. Ma bouche pleine, je demandais :

- « Une solution pour quoi ? »

- « Pour mes serpents. »

Je fronçais les sourcils en avalant ma bouchée.

- « Pour quoi faire ? »

- « J'étais humaine avant, comme toi Oria. Je n'avais pas ce corps de reptile. J'avais de beaux cheveux de jais dont j'étais fière. »

Je marquais une pause, le fruit à mi-chemin entre le sol et ma bouche. Alors elle avait été humaine. Cela expliquait ce que j'avais ressenti chez elle, de l'humanité, bien cachée mais là. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer ? Avait-elle mis en colère quelqu'un ? Quelqu'un d'assez fort pour la changer à jamais ... ?

- « Un dieu t'a maudite ? »

Le silence qui suivi répondit à toutes mes interrogations. Une certaine peur prit le contrôle de mon esprit. J'étais en présence de quelqu'un qui avait mis en colère un dieu, rien que ça. Ça pouvait être vraiment dangereux pour moi. Médusa lu ma crainte sur mon visage et s'empressa de m'expliquer.

- « Leur courroux est calmé maintenant, cela fait plus de quinze ans que j'ai purgé ma peine ! »

Il y avait de la peur dans sa voix. Elle redoutait quelque chose.

- « Je n'ai rien fait pour mériter ce qui m'est arrivé, tu dois me croire ! »

Je ne l'avais jamais vue aussi passionnée pendant nos quelques jours de cohabitation. J'avais peur des dieux mais une étincelle dans sa voix fit pencher la balance de son côté à elle. Elle avait été si gentille, si douce avec moi depuis notre deuxième rencontre et une graine de confiance commençait à germer entre nous. Il y avait quelque chose qui me dépassait dans cette histoire, quelque chose de grave que Médusa ne pouvais pas encore me dire. Mais je lui accordais le bénéfice du doute.

- « Je te crois. »

Un soupir de soulagement se fit entendre. Sa main vint se poser sur la mienne. Elle souffla du bout des lèvres.

- « Merci. »

Je lui souriais en enserrant ses doigts dans les miens.

- « Qui suis-je pour te juger sur tes actes passés ? Je ne suis que la fille aveugle du village et sans père. »

Peut-être qu'évoquer cet homme n'était pas la meilleure chose à faire pour la réconforter mais c'est tout ce qui m'était venu à l'esprit à ce moment. Sa main serra plus fort la mienne. Elle semblait hésiter à dire quelque chose. Je l'encourageais avec un hochement de tête.

- « Je regrette pour ton père, pour toutes les personnes à qui j'ai ôté la vie d'ailleurs. Je suis profondément désolée Oria. »

- « Même si je ne peux pas moralement accepter ce que tu as fait, je peux le comprendre. Dans ce monde c'est tuer ou être tuer et il se trouve que tu as été la plus forte. »

J'inspirais une goulée d'air avant de continuer.

- « Je n'ai jamais connu mon père, je ne sais même pas à quoi il ressemble. Alors il ne me manque pas, c'est peut-être cruel mais c'est ainsi. »

Je la sentis m'observer de la tête aux pieds avant qu'elle ne se redresse et en me tirant par la main.

- « Allons faire un tour, au lieu de parler de choses moroses. Je vais te montrer les étages supérieurs du palais. »

Je la suivais avec plaisir. 

Venatio Medusae (FxF)Where stories live. Discover now