Chapitre 7: Riv

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L'odeur d'humidité et d'urine emplit l'air saturé du bâtiment désaffecté dans lequel je m'engouffre à la suite de Tony. L'endroit est désert et reculé de la ville, suffisamment pour ne pas attirer l'attention. C'est l'espace idéal pour les réunions de junkies, d'ailleurs nous croisons les restes d'emballages et de matériel médical vides. Des tags sauvages colorent les murs sans pour autant rendre le lieu plus chaleureux. L'air froid provoque des volutes de fumées par nos expirations, les nuits sont fraîches désormais.

Nous marchons moins d'une demie minute avant de nous arrêter devant le corps sans vie d'une adolescente, une seringue toujours piquée dans l'avant bras. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que ça ne tient pas. Des histoires d'overdose ça arrive, de plus en plus souvent d'ailleurs. Mais dans ce cas précis c'est louche. Sa peau n'est plus assombrie de traces d'anciennes piqures, ça saute tellement aux yeux qu'on passerait à côté. Brittany n'avait que seize ans et elle avait déjà décroché depuis plusieurs mois. Elle avait même fini par décider de parler et de balancer celui qui la fournissait. Sa mort va arranger beaucoup de monde, moi y compris mais je ne crois pas à l'hypothèse de l'overdose. Je sais que c'est une mise en scène et que ce sera classé sans aucune enquête et je compte bien dessus.

Je détaille ses cheveux blonds qui se ternissent sur les pointes. Ça m'en retourne le ventre. Ce n'est pas tellement l'image même de Brittany qui me dérange. Des cadavres j'en ai déjà vu, parfois plus jeunes, parfois en moins bon état. Non, ce qui me provoque ce sentiment c'est que cette ville a changé, elle s'est noircie, dévorée par le trafic et les histoires toutes plus sordides les unes que les autres. C'était la depuis toujours et puis un jour sans que nous comprenions vraiment à quel moment ça a véritablement basculé, tout s'est fait plus intense, plus glauque et plus tragique. Chesapeake a changé et moi aussi.


-On n'est plus sur le même niveau là, Riv. Tout ça, ça devient trop sombre, même pour nous. T'es sûr de vouloir continuer ? me demande Tony.


Sa question n'a aucun sens, j'ai déjà été trop loin pour faire machine arrière. Ce n'est plus le moment pour penser à faire demi-tour.


-Fais le nécessaire pour elle et rassemble les gars, j'ai une visite à faire à quelqu'un, je lâche simplement avant d'allumer une clope et de la poser au coin de ma bouche.


-Est-ce qu'on en touche deux mots à O'Connor ? Il demande à nouveau, espérant peut-être me faire emprunter un chemin plus éclairé.


-Non, tu lui dis rien, je réponds en prenant une première bouffée de nicotine.


Tony me jette un oeil inquiet mais je l'ignore. Je ne veux pas que O'Connor sache ce que je met tant de soin à cacher ou à comprendre. Mes secrets sont trop précieux, même pour un ami tel que lui. Si O'Connor est flic, il sait aussi reconnaître l'efficacité de la justice de la rue quand son pouvoir ne lui permet pas d'aller plus loin. Nous travaillons même parfois ensemble et je suis forcé d'admettre que nos missions communes restent bénéfiques pour nos deux maisons. Néanmoins ici, j'ai tout intérêt à ce qu'il ne vienne pas fourrer son nez dans mes affaires. Dans certains cas, et dès que les limites de la morale sont franchies, l'amitié est difficile à entretenir et je ne pourrais pas lui en vouloir. Je fais des choses qui ne rendrait pas fier mon père mais je les fait parce que j'ai suffisamment changé pour cela. Je ne m'attends pas à ce que quelqu'un comprenne, ni à ce qu'il me trouve des excuses. Non, j'ai fait la paix avec ça.





***


Lorsqu'il ouvre, je l'attrape directement par le col pour le coller au mur. Sale enfant de putain. Mes frères restent consciencieux et en profitent pour nous dépasser et fouiller l'appartement ou plutôt le taudis dans lequel il vit. Personne n'est là pour m'arrêter de le taper contre le battit de la porte et ça terrifie mon hôte.


My Darkest Confessions (2)Where stories live. Discover now