HOFFERSON | 1

CHAPITRE 4 | Lévi Hofferson

Lévi Hofferson

"Ton amour m'a mené à une guerre
contre moi-même."
— ℰ𝓂𝓂𝒶 𝒮𝒶𝓂𝒶𝓇𝓎

— Alors Lévi, ça te rappelle des souvenirs ?

Ils riaient tous tandis que je fixais l'évier qu'ils avaient bouché et rempli.

Je voulais qu'ils me laissent tranquille, qu'ils arrêtent de se foutre de moi juste parce que j'avais eu le courage de raconter mon histoire.

J'avais eu le courage d'avouer que j'étais différent parce que j'avais eu une enfance difficile. Je m'attendais à des bonnes réactions, à être le héros de la primaire, mais j'étais devenu le harcelé ou encore le moins que rien.

Les paroles de Skye résonnaient dans ma tête comme un écho me détruisait chaque fois qu'il me percutait. J'étais semblable à un miroir ; on se moquait qu'une fois de moi, me frappait qu'une fois, mais je me brisais quand même en mille.

Je paniquais à l'idée de les voir et eux riaient à l'idée de me voir. Je n'arrivais pas à croire que mes traumatismes étaient leur amusement du moment. Nous n'avions que dix ans...

— Tu veux qu'on fasse comme avec ton papa ?

Ils riaient encore, et encore...

Tandis que je faisais un signe négatif de la tête, des larmes roulaient sur mes joues, silencieusement. Je jouais avec mes doigts, un tic nerveux que ce genre de moment m'a débloqué.

J'étais mal, horriblement mal. J'avais envie de crier à l'aide mais je ne pouvais rien faire, j'étais incapable d'émettre rien qu'un mouvement. Sauf que chaque fois que j'avais l'occasion d'en parler, je n'osais pas, par peur. J'étais coincé.

Sans attendre, j'avais senti une main pressée contre l'arrière de mon crâne et enfoncer ma tête sous l'eau. Je me débattais pour me sortir de là, mais quelqu'un d'autre s'était prêté au jeu.

Ce jour-là, je pensais à nouveau que j'allais mourir noyé comme l'avait essayé mon père avant eux.

Je lâche les palettes d'embrayage lorsque les feux s'éteignent en même temps. J'entends mon souffle moins régulier dans mon casque, qui tape dans ma cagoule. Je n'ai pas peur, je suis juste stressé, comme une petite salope. Stressé, parce que lorsqu'un pilote fait sa première course sur un circuit aussi compliqué, ça peut être dangereux, et nous avons deux rookies cette année, alors ça s'annonce mal. Nous avons abordé une dizaine de fois le débat sur le premier circuit du calendrier, mais la FIA disait qu'on avait besoin de plus de visibilité dans ce sport, alors la solution était Monaco : ça fait bien parler.

J'accélère le plus possible, pousse les pneus et la voiture à leur limite pour être en avantage sur le corbeau à quelques centimètres de moi. Comme le premier virage est à droite, je pourrais passer par l'intérieur et Raven devra se résoudre à me laisser passer. Sauf si elle est aussi têtue que ça, et si c'est le cas, ça sera plus compliqué que prévu parce que ce circuit est juste un enfer pour doubler, prendre la pole position est presque comme déjà gagner. Et bien sûr, je ne l'ai pas, sinon ce n'est pas drôle...

Je dépasse un petit peu la roue avant de Raven, et au premier virage, je ralentis, régresse les vitesses mais essaie de garder mon avantage. Comme je m'y attendais le plus, elle ne se laisse pas faire, elle frôle le rail de quelques millimètres pour passer devant moi.