Chapitre 14 : Sarà perché ti amo

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Vérone, Italie. 22 mars 1993, 7h38.

— Chérie, on est arrivés. 

Gwen eut du mal à s'extirper de son sommeil. Elle était bien là, dans son cocon de chaleur et de confort. Elle sentit la main de Polnareff secouer son épaule et finit par ouvrir ses yeux endormis, alors que le visage enjoué de Jean-Pierre surgissait devant ses yeux. 

Elle papillonna des paupières en entendant la voix amusée de son époux lui dire : 

— Tu feras attention, t'as de la bave là. 

Elle se réveilla tout à fait, rougit en passant sa manche large de pull sur ses lèvres. Effectivement, elle avait dû s'endormir la bouche ouverte. Il rit, la regardant s'empourprer. 

— Nous sommes arrivés. 

La jeune femme regarda son mari avant de dire : 

— Je suis désolée, je ne voulais pas m'endormir, ça fait combien de temps ? 

— Ne t'en fais pas, tu as juste dormi quarante minutes. Le trajet n'était pas long. 

Elle se redressa sur son siège et son manteau retomba sur ses genoux. Regardant à travers la fenêtre de la voiture, elle murmura : 

— On ne voit pas grand chose..

— J'ai regardé la météo, ça devrait se découvrir dans une petite heure. 

Il ouvrit sa portière et sortit du véhicule. 

— On y va ?

Elle hocha la tête, faisant de même. Le froid mordant, accentué par l'air humide, la saisit et elle frissonna en s'étirant les bras au-dessus de la tête. 

Puis, elle enfila son manteau et son écharpe, vérifia que son portefeuille était bien dans sa poche et regarda Jean-Pierre qui fermait la voiture. 

Il arriva à sa hauteur, et, sans hésiter, elle passa son bras sous le sien, tandis qu'il la regardait avec un sourire.

La matinée passa à une vitesse folle. Ils commencèrent leur visite par le Colisée de Verone. Immense, il était l'un des édifice romain les mieux conservés. Tellement que ce bâtiment du Ier siècle servait toujours à l'accueil de concerts, opéras et spectacles. 

Le charme indicible des vieux gradins de pierre, des tunnels d'accès qui semblaient creusés dans la roche les fascina.

Ils se rendirent aussi sur la via Mazzini où ils visitèrent la maison de Juliette. Amusée, ils purent assister à une reproduction de la scène du balcon, car deux comédiens jouaient la scène de la célèbre œuvre de Shakespeare.

Juliette, penchée au balcon, ses cheveux noirs volant légèrement à cause de la brise, enveloppé dans une chaude robe de chambre, disait d'une voix peinée :

Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d'un homme... Oh ! sois quelque autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu'il possède... Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière ! 

Le preux Roméo, en dessous du balcon, regardait avec un air immense la jeune femme au dessus de lui. Il leva une main vers elle, déclarant solennellement :

Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.

Quand la scène toucha à sa fin, les passants et spectateurs applaudirent et vidèrent peu à peu la cour de la maison de Juliette. Main dans la main, Jean-Pierre et Gwen se dirigèrent vers la rue voisine.

Rome au crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant