La confrontation

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Amandine dû faire répéter cette suite de mots à Annette de nombreuses fois.
Elle n'en croyait pas ses oreilles.
M.Mollet, son futur mari, absent jusqu'ici, était là, à l'autre bout du couloir. Son cœur tambourinait contre ses côtes, elle fit prise de vertiges et commençait à suer à grosses gouttes. Elle se rendît compte que c'était trop précité, c'était trop tôt, elle n'était pas prête.
Mais, cela devait arriver un jour ou l'autre. Simplement, elle ne s'attendait pas à ce que ce jour soit aujourd'hui.

Amandine prît de grandes inspirations et essaya de retrouver son sang-froid. Le moment était venu.
Elle s'aventura dans le long couloir d'un pas lent. Chacun d'eux la rapprochait de lui. Elle ne savait pas du tout à quoi il ressemblait. Il n'y avait aucun portrait de lui dans le château, et les descriptions hâtives du personnel ne l'aida pas.
A quoi pouvait bien ressembler un homme avare et manipulateur ?
Amandine essaya tant bien que mal d'éliminer toutes les appriories qu'elle avait d'ores et déjà sur cette homme, mais en vain. Chaque fois qu'une personne parlait de lui, c'était toujours le même discours. Aujourd'hui, elle pourrait en juger par elle-même.

Elle se tenait devant la porte du petit salon, droite comme un piquet. Elle marqua une hésitation et réalisa à quel point elle était terrifiée. Sa nouvelle vie commençait ici et maintenant. Lorsqu'elle franchira le pas de cette porte, il n'y aura plus de retour en arrière.
Elle toqua.
Un, deux, trois coups.
Elle entra.
Cette fois-ci, il était définitivement trop tard.

Une silhouette, assise sur un canapé, se tenait dos à elle. Un nuage de fumée l'entourait. La pièce était emplie d'une odeur de tabac.
Tous les membres d'Amandine s'entrechoquaient. Elle avait la nausée et la tête qui tournait. Elle arrêta presque de respirer. Même rouler ses pouces dans tous les sens et balancer son corps de gauche à droite ne parvint pas à contenir son angoisse. Elle n'osa pas s'avancer. Elle n'osa plus faire un seul geste. Elle était pétrifiée.

Subitement, d'une voix grave, comme elle n'en avait jamais entendue auparavant, M.Mollet demanda :

- Vous êtes là ?
- Oui, je suis là.

Elle avait prononcé ces quelques mots si faiblement et fébrilement, qu'elle même ne s'entendit pas. Mais apparemment, sa réponse parvint jusqu'aux oreilles de l'homme. Ce dernier prit appui sur les accoudoirs de son fauteuil pour l'aider à se relever d'un mouvement indolent. C'est alors qu'il se dévoila pleinement à Amandine.  

Il avait probablement dix années de plus qu'elle. Il était tellement grand, que s'il levait la main, il pourrait toucher les moulures du plafond sans aucune difficulté. Il devait baisser l'entièreté de sa nuque pour apercevoir Amandine. Son corps excessivement maigre, était entièrement vêtu de noir avec ses gants en cuir, sa cravate trop sérrée, son costume et ses chaussure vernis. Sa barbe était mal taillée, ses cheveux noirs mal coiffés, et ses yeux entourés de cernes. La structure anguleuse de son visage paraissait presque maladive. Son teint était sombre. Il ne semblait montrer aucune émotion : ni de la joie, ni de la surprise, ni de l'inquiétude. Il fumait son cigare par grandes bouchées. Il observait Amandine de haut en bas et de bas en haut, en faisant défiler ses yeux sur chaque partie d'elle.
Il ne semblait ni satisfait ni déçu.

Elle trouva qu'il ressemblait à une véritable énigme. Un point d'interrogation. Totalement indiscernable. Son apparence physique et son comportement n'étaient pas spécialement rassurants.
Mais alors qu'ils se regardaient droit dans les yeux, tout deux tirant sur les muscles de leur cou, M.Mollet, tendît une main à Amandine :

- Aris Mollet. Premier ministre du Royaume d'Aragon. Enfin, presque premier ministre.
- Amandine Aubry, enchantée.

Ils se serrèrent la main d'une poignée ferme. C'était probablement la rencontre mari et femme la plus incongrue qui soit ! Se serrer la main, comme s'il s'agissait d'un simple rendez-vous chez le médecin en guise de rencontre, c'était pour le moins inhabituel ! Voire jamais vu ! En voilà un qui avait le sens des affaires. Amandine aurait préféré un baiser sur la main.

La Première Dame Where stories live. Discover now