L'audition

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Amandine faisait remuer sa cuillère dans son bol de céréales, mais ne mangeait pas.
La table du petit déjeuner était toujours remplie de bonnes choses : toasts grillés, confiture de toutes sortes, céréales, pâtisseries et jus pressés.

Cependant, elle n'avait pas le coeur à manger. Ni à dormir. Cela va faire des mois maintenant qu'elle n'a pas eu une nuit de sommeil complète. Même si elle dormait sur un nuage, sa tête était lourde comme du plomb.

Son corps avait minci et ses cernes s'étaient creusées. Si Francesco la voyait, il serait horrifié. Amandine qui ne faisait pas preuve de gourmandise et de paresse, ce n'était pas Amandine !

Sans ses élèves, sans la librairie, sans son frère, sans les Leroux ou ses après-midi peinture, elle n'était plus ce qu'elle était. D'ailleurs, elle n'avait pas eu l'occasion de retourner à Celles.

Pour cela, il faudrait qu'elle croise M. Mollet, et elle ne le voyait jamais. Il était bel et bien dans le château, à quelques portes d'elle, mais il se terrait dans son bureau. Il ne sortait jamais, sauf obligation.

Amandine n'était pas une personne colérique en général, mais contre son mari, elle éprouvait une rage sans limite.
Elle se sentait comme ces centaines de merlebleus dans leur cage.
Prise au piège.

Elle s'en voulait terriblement, car elle constatait bien qu'elle ne respectait pas son engagement, qu'elle avait fait auprès de ses parents. Elle ne peignait plus, ne lisait plus, n'étudiait plus. La peinture était devenue introuvable à Tiraline, et elle connaissait sur le bout des doigts, le petit conte qu'elle avait réussi à apporter avec elle dans son bustier.
Elle était en proie à un grand ennui et une grande mélancolie. Tout lui semblait fade. Le temps glacial de l'hiver n'arrangeait rien à sa morosité.

Mais alors qu'elle faisait une tour avec ses petits choux, Annette débarqua en furie dans la salle à manger. Prise par surprise, la tour entière s'écroula sur les genoux d'Amandine.

- Annette ! On a dit qu'on tu devais arrêter cette mauvaise manie !
- Désolée, mais jette un coup d'œil à ça, cela pourrait t'intéresser !
Son amie lui tendit un journal froissé.

Amandine ne lisait jamais l'actualité, elle trouvait cela sans intérêt étant donné qu'elle rabotait les mêmes choses encore et encore.
La une montrait un dessin du roi, triomphant sur son trône, avec une foule qui se prosternait à ses pieds. Amandine émit un soupir d'exaspération. Décidément, cette société la répugnait au plus au point. Elle feuillat brièvement le journal. Comme ce qu'elle le craignait, rien qui ne vaille la peine d'être retenu.

- Ecoute Annette, dit-elle d'une douce voix, je sais que tu t'en fais un peu pour moi, mais vraiment je me fiche éperdument que la récolte de carottes à été mauvaise, tu sais...
- La dernière page. Regarde la dernière page.

Les yeux d'Annette brillaient intensément et ses mains étaient jointes, comme si elle faisait une prière.
Amandine défila les pages. Elle lut à haute voix, la petite annonce qui s'y tenait.

-" Comme chaque année, la première dame ne s'est pas manifestée pour exercer ses fonctions auprès du gouvernement. Le ministère recherche donc un secrétaire, ou un conseiller général pour les assister dans leurs fonctions.
Recherche une personne accueillante et souriante. Rigoureuse, organisée, qui détient une technique d'écriture rapide à la machine, avec un esprit de synthèse et un sens rationnel.
Prête à assurer une cadence soutenue et des horaires tardives.
Pour toutes informations supplémentaires ou pour passer l'audition, merci de contacter M.Collet, ministre de l'humanité. »

Amandine ouvrit une bouche béante. Ses droits, ses fonctions en tant que première dame, elle les avait complètement oubliée tant elle était absorbée par sa tristesse. Elle referma le journal. Elle le rouvrit et relu l'annonce. Elle le referma de nouveau. Elle répéta ce geste une dizaine de fois.
- Que comptes-tu faire, lui demanda Annette.
- Je ne sais pas.

La Première Dame Where stories live. Discover now