L'enterrement

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En cette matinée de printemps, le temps s'était gâté. Il pleuvait si fort que l'on aurait dit que les murs du château tremblaient. On y voyait presque plus rien, à part des gouttes épaisses qui se versaient depuis le haut du ciel. Le vent hurlait dehors.

On aurait dit que la météo avait compris les émotions d'Amandine.
Celle-ci descendait les marches de l'escalier, d'un pas lent et lourd, comme si on venait de lui retirer toute son énergie vitale. Elle avait à peine la force de porter sa malle, pleine de vêtements noirs.
- Amandine, toutes mes sincères condoléances, dit Annette d'une faible voix.
Amandine lui fit uniquement un signe de la main.

Hier soir, son oncle était venu lui annoncer que Francesco était mort.
Son cousin.
Son frère.
Finalement, elle avait entendu trop longtemps avant de le voir.

Elle avait préparé sa valise tôt le matin. Evidemment, elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit.
- Amandine ! Dépêche-toi ! Nous sommes en retard ! cria son oncle depuis le carrosse.

Après un an à être restée à la capital, elle retournait enfin chez elle, pour une durée encore indéterminée. Elle retournera à Celles, sa campagne de toujours, ses racines.
Annette lui fit une énième étreinte, puis Amandine monta dans le carrosse avec toutes les peines du monde.

Étonnamment, elle n'avait pas pleurer. Ce n'est pas l'envie qui lui manquait, mais elle en était incapble.
Francesco est mort.
Francesco est mort ?
Cela ne pouvait pas être vrai !
Il était jeune, il était beau, il avait toute la vie devant lui ! Il ne pouvait mourir comme ça ! Pas maintenant !

Le voyage se fit dans le plus grand des calmes. On n'entendait que la forte respiration de M.Aubry et la tempête dehors. On aurait dit que le monde s'écroulait.

Ils descendirent du véhicule, une fois arrivés au port aux montgolfières. Il y avait toujours autant de monde que la première fois. Le même aérostat qui l'avait amené une année auparavant l'attendait pour décoller.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à monter, elle entendit une voix hurlant son prénom derrière elle. Elle se retourna et vit Maël courir vers sa direction.
Amandine en fit de même.
Elle lâcha ses valises. Elle courait comme si sa vie en dépendait.

Elle se jeta dans les bras de l'homme qu'elle aime. Elle le fit avec tant de force que ce dernier vacilla légèrement en arrière. Leurs corps étaient scellés, comme unis par la pluie.
Cette pluie qui battait à son plein, trempant entièrement les deux amants.

- Amandine...commença Maël d'une douce voix.
A peine eut-il prononcé ces quelques mots que la jeune fille rousse se mit à pleurer.
Elle pleurait parce qu'elle savait ce qu'il allait lui dire. Il était désolé, il lui présentait ses condoléances. Mais chaque fois qu'on lui disait cela, ça la fit réaliser encore plus fortement que Francesco était bel et bien mort.
Ses larmes se transformèrent en sanglots, puis en cri de souffrance. Elle avait mal au plus haut point. Une douleur encore jamais ressentit. Même les gifles de M.Mollet étaient moins douloureuses.

Mais être dans les bras de cet homme la calma peu à peu. Elle aurait voulu rester ainsi tout le reste de sa vie. Sous la pluie, dans ses bras. Il ne disait rien, ne bougeait pas d'un poil. Et pourtant, rien qu'entendre les battements irréguliers de son cœur la rassura. Elle se sentait protégée. Elle se sentait comprise avec lui. Moins seule au monde.
- Amandine... reprit-il.
- Viens avec moi !
- Comment ?
- Maël, viens avec moi ! lui implora-t-elle dans un cri désespéré.
- Amandine, tu sais très bien que je ne peux pas, c'est une épreuve que tu dois traverser seule... 

Et il avait raison, le deuil est une épreuve qui s'affronte seule. C'est une chose que personne ne peut accomplir à notre place. Il faut se donner le temps, prendre du temps pour faire des adieux à ceux que l'on aime. Personne ne peut nous aider dans ces moments là, à part nous même.

La Première Dame Où les histoires vivent. Découvrez maintenant