Eve princesse révolutionnaire S2

Épisode 2 : Un alchimiste de génie

De l'importance pour une princesse, d'un engagement fort dans les affaires publiques.

Après l'anniversaire de Rosenitte, la semaine précédente, Eve avait emménagé dans la Chambre de Verdure, une suite qui dégageait une atmosphère mystique, avec son papier-peint émeraude et ses boiseries en bouleau argenté. Incomparablement plus agréable que celle qu'elle habitait précédemment, elle comprenait toutes les commodités nécessaires à une princesse, ce qui incluait un cabinet de toilette, une salle à manger et même un bureau personnel. Il y avait aussi trois chambres pour les serviteurs et chevaliers. De toutes ces pièces, celle que préférait Eve était le salon qui lui donnait l'impression de se trouver sous le kiosque d'un jardin, avec ses quatre piliers qui s'élevaient jusqu'au plafond et entre lesquels des fibres cristallines aux reflets verts et ocres s'entrelaçaient, telles un cannage en rotin.

Alors que la septième princesse était en train d'étudier le contenu d'une lettre, le son de l'eau frémissante que versait Sedella lui parvint, tandis que se répandait l'agréable arôme du thé fraîchement préparé. La réputation d'Eve était montée en flèche, comme en témoignaient les corbeilles pleines de courrier qui arrivaient quotidiennement sur son bureau. Une part de sa routine journalière consistait maintenant à parcourir chaque invitation, décider si elle méritait son attention et s'il fallait y répondre. C'était en général Peony qui se chargeait de cette dernière tâche, mais lorsque la missive provenait d'une personnalité influente, Eve mettait elle-même la main à la pâte.

Et c'était le cas de Lady Julia, à qui elle était justement en train de répondre.

« Alors comme ça, Lady Julia vous a vraiment envoyé une invitation... s'étonnait Sedella.

— Oui. Elle voudrait que je vienne afin de m'aider à choisir une robe et des accessoires pour le prochain festival impérial. Elle m'a invitée chez elle, où elle compte louer les services d'une personne qui possède la meilleure boutique des environs, et se trouve être la principale conceptrice de la Bijouterie Amelos. »

— Elle vous écrit sa première lettre et elle se permet de vous demander à vous, une princesse de la famille impériale, de venir chez elle ? s'offusqua sa suivante, les sourcils froncés. Elle ne vous demande même pas l'autorisation de vous rencontrer ? C'est quoi ces manières ?

— Voyons Sedella... Ces demandes d'autorisation sont une coutume du passé et Lady Julia préfère suivre les tendances actuelles. Je comprends très bien son point de vue. »

Eve ne s'était pas imaginé prendre ainsi la défense de Julia et se sentit soudain embarrassée. Sedella au contraire avait trouvé les explications de sa maîtresse parfaitement rationnelles et cessé toute critique.

« La prochaine manifestation impériale se trouve être la compétition de chasse aux monstres, remarqua-t-elle.

— Ah oui... C'est vrai.

— Comme c'est une des plus importantes festivités du printemps, je pense que l'aide de Lady Julia sera un plus non négligeable. Malgré son comportement discourtois, lors du banquet, elle n'a pas l'air de nourrir de mauvais sentiments à votre égard.

— Je suis d'accord avec toi, Sedella, » acquiesça Eve en hochant la tête.

Elle se remit à écrire pour répondre à Lady Julia et accepter son invitation. Son élégante écriture traçait sur le papier de chatoyantes volutes d'encre d'un vert opalescent que Sedella observait avec curiosité.

« Je n'ai jamais vu une encre qui scintille ainsi.

— Oh... C'est joli, pas vrai ? »

Cette encre, appelée à l'origine « encre de perles » allait faire fureur, six mois plus tard, lorsque Rosenitte commencerait à l'utiliser. Eve avait cependant décidé de se l'approprier un peu plus tôt et d'en lancer elle-même la mode.