Chapitre 1

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J'entends la pluie fouetter les volets fermés de ma chambre. Il est deux heures du matin et un orage incessant s'abat sur Paris depuis quatre jours déjà. Malgré la douce chaleur qui m'enveloppe, je ne trouve pas le sommeil. Avec un grognement de frustration, je rejette ma couverture et attrape mon gilet préféré. Je fais quelques pas dans mon minuscule appartement sans trop savoir ce que je vais faire. Mes yeux se posent distraitement sur le frigo et je me surprends à rêver d'un chocolat chaud. Je n'ai jamais réussi à résister aux gourmandises et étant donné que je m'apprête à passer les quatre prochaines heures à me retourner dans mon lit, autant que ce soit avec un goût sucré en bouche.

Le « bip » du micro-ondes me fait sursauter, j'espère que mes voisins ont le sommeil profond car les murs de mon immeuble sont fins comme du papier. Je m'assoie sur mon canapé, ma tasse entre les mains et allume la télé en activant les sous-titrages pour ne pas déranger mon « bien-aimé » voisinage. Tandis que je zappe les chaînes dans le vain espoir d'en trouver une qui parle d'autre chose que de politique, un crissement de pneu me vrille les oreilles. Le bruit dure quelques secondes avant de s'achever dans un affreux son de carrosserie et de verre brisé. Je passe un coup d'œil rapide par la fenêtre et passe un impair et des chaussures en quatrième vitesse. Je dévale les escaliers biscornus en courant, pousse la porte d'entrée de l'immeuble et me retrouve dans la rue, face à un carnage mécanique. Une Lamborghini Aventador Roadster est encastrée dans une vitrine, des rayures pleins les portières. Le conducteur n'est pas dans les parages et j'entends au loin des sirènes de polices qui se rapprochent de plus en plus du lieu de l'accident. Mon sang ne fait qu'un tour : les flics et moi c'est une grande histoire d'amour ! J'ai beau ne pas avoir de casier judiciaire, je suis toujours soupçonnée pour ceci ou pour cela, la plupart du temps pour des affaires dont je n'entends parler que le lendemain d'un interrogatoire, en regardant les informations.

Puis je me rends compte que, même si les policiers ne me trouvent pas sur le lieu de l'accident, je passerais quand même par la case interrogatoire puisque j'habite dans l'immeuble qui surplombe la scène. Je soupire, je vais encore devoir faire face à des inspecteurs persuadés que je suis complice de je-ne-sais-quel-méfait. Je fais alors quelque chose que je n'avais jamais osé faire jusqu'à ce soir, je tourne les talons et cours me réfugier dans le cybercafé le plus proche. Lorsque je pousse le battant de la porte, je constate avec soulagement qu'il n'y a personne, pas même un serveur au comptoir. Je m'installe à une table et attends que celui-ci veuille bien apparaître. Je commande un chocolat chaud, le deuxième de la nuit, et un croissant. Je mords dans la viennoiserie avec enthousiasme en me demandant si je ne suis pas un peu folle d'avoir déguerpis de la sorte. Après tout ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à me reprocher. La pluie continue de battre les vitres et deux personnes, trempées jusqu'aux os, entrent dans le cybercafé. Le serveur les salue d'un hochement de tête et apporte aux nouveaux arrivants deux plateaux garnis. Sûrement des habitués, me dis-je. Les deux hommes discutent à voix basse et l'un d'eux jette des coups d'œil fréquents dans ma direction. Outre le fait que cette attitude me met franchement mal à l'aise, j'ai le sentiment de ne plus être en sécurité. Je me lève un peu trop prestement et débarrasse mon plateau à la hâte. En passant à proximité des deux hommes, je retiens machinalement quelques bribes de mots dénués de sens et sors du cybercafé.

Je me retrouve aussitôt sous une pluie torrentielle. Je peste contre ma lâcheté qui m'a poussée à fuir les gendarmes et qui me vaut d'être à présent trempée jusqu'aux os. Je choisis une direction au hasard en priant 1) pour tomber sur le métro 2) pour que la pluie s'arrête. Bon, je ne me fais pas d'illusions sur le numéro deux car Miss météo a annoncé que l'orage ne cesserait pas avant deux jours au minimum. Je continue donc ma route en prévoyant de passer la nuit chez Max en attendant que l'affaire « Lamborghini » se calme un peu. Par chance, la pluie cesse d'un coup et le vent glacé d'hiver entame son laborieux travail de séchage. Quoique vu sa température, je préfère encore la pluie tiède. Un bruit de métal retentit soudain dans une ruelle peu éclairée suivit d'un gémissement étouffé. Je scrute l'obscurité, inquiète. Au moment où je décide de poursuivre ma route, trois silhouettes noires sortent des rues d'en face et se dirigent vers moi d'un pas tranquille. Je suis d'abord étonnée de croiser autant de monde au même endroit à une heure aussi tardive, puis je remarque que les trois personnages sont cagoulés et vêtus de noir de la tête aux pieds. Sans les voir, je devine des armes, et plus précisément des couteaux, dissimulés sous leurs pulls. Je me force à ne pas paniquer et décide de rebrousser chemin en vitesse, tant pis si les flics me choppent, je préfère être au commissariat plutôt qu'entre les mains de dieu-sait-qui-sont-ces-gens. Je cours aussi vite que mes jambes me le permettent vers le cybercafé que j'ai quitté une demi-heure plus tôt. Une fois à l'intérieur, ces types flippants n'oseront plus faire quoi que ce soit. Toute à mes pensées, je ne remarque pas tout de suite l'homme qui surgit devant moi et bifurque au dernier moment dans la ruelle la plus proche. Je crapahute un moment dans les rues obscures et malodorantes avant de me rendre compte que je ne sais plus du tout où je suis. J'hésite une poignée de secondes avant de choisir une ruelle qui, je l'espère, me conduira vers un lieu sûr. Je doute d'ailleurs que ce passage mérite le nom de ruelle puisque les deux bâtiments qui le forment laissent un espace tellement exigu que mes deux épaules raclent leurs murs. Au fur et à mesure de ma progression, l'espace s'élargit imperceptiblement et me permet d'avancer sans abîmer mon manteau. Je débouche sur un espace rectangulaire servant manifestement de local à poubelles. Soudain, ma tête rencontre une matière froide et dure. Je masse mon front d'une main et tends l'autre pour discerner ce qui a stoppé ma progression. Un mur. Un mur en béton aussi haut qu'un immeuble de trois étages. Impossible de faire demi-tour, je sais que les trois hommes me filent le train dès que je me suis mise à courir. Je songe alors à me cacher mais avec quoi ? Un carton peut-être ? Je tergiverse un moment avant d'apercevoir la première silhouette sortir avec difficulté de la ruelle. Une autre apparait, puis trois à la suite. Je me retrouve face à cinq hommes visiblement armés et quelque chose me dit qu'ils ne sont pas là pour parler du temps qu'il fait. L'un d'eux se détache du groupe et braque sa lampe torche sur moi. Je plisse les yeux, éblouie. L'homme à la lampe se tourne vers son compagnon et lui lance un regard désapprobateur.

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