Chapitre 16

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Ça fait maintenant deux mois que je vis au Nouveau-Mexique. Je me suis trouvée un joli appartement non loin du dinner dans lequel je travaille six jours par semaine. J'ai demandé à John, mon patron, de me payer en liquide. Comme il se doute que j'ai un passé pas très légal, il me donne mon argent liquide régulièrement et n'a jamais cherché à en savoir plus sur moi. Je fais bien mon job, ça lui suffit. Un soir pourtant, je remarque une berline noire garée entre deux bâtiments. Comme les vitres sont teintées, je n'arrive pas à savoir s'il y a quelqu'un à l'intérieur ou si la voiture est vide. Puisqu'on n'est jamais trop prudent, je décide de faire un long détour pour rejoindre mon appartement. Sur le chemin, je repère une seconde berline noire, tout feux éteins, garée dans l'ombre d'une ruelle. Je doute fortement qu'il s'agisse d'une coïncidence. Je passe rapidement en revue les cartes que je peux jouer et en cinq minutes, j'ai pris ma décision : j'ai l'argent de ma paye en poche et un sac à dos dans lequel j'avais mis quelques vêtements et une trousse de toilette dans le cas ou je devrais partir en vitesse. Je tourne à gauche, la direction opposée à mon appartement que j'abandonne à regret, et prend la direction d'un parking. Je fais mine de chercher mes clés et repère un 4x4 rouge. Je m'en approche et m'installe sur le siège conducteur. Je sais à qui est ce 4x4. Il appartient à mon patron et je sais qu'il range toujours ses clés dans la boite à gants. Je démarre, mine de rien et rattrape la route 54 en direction du Nord. John à fait le plein d'essence hier, ce qui me donne un avantage sur les voitures qui ont dû me chercher pendant des heures. Il n'empêche que je ne suis plus en sécurité au Nouveau-Mexique. Je dois changer d'Etat au plus vite et me rendre dans une grande ville comme New-York ou Los Angeles, à moins que la meilleure chose à faire soit d'emménager dans une réserve indienne.

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Je me gare précipitamment et abandonne le 4x4 sur le parking quasiment désert. Je cours comme une folle vers le market le plus proche et me réfugie dedans en baissant la tête pour éviter la caméra de surveillance. J'attrape une poche plastique et la remplie de sandwichs et de fruits sans vraiment faire attention au prix. Je prends aussi deux bouteilles d'eau et des barres énergétiques : le voyage vers un autre Etat va être long et je vais devoir rester vigilante si je ne veux pas que Gabriel me rattrape. Je paye et retourne rapidement à mon 4x4 en me disant qu'il vaudrait mieux que je m'en débarrasse. Les gens qui me suivaient avec leurs berlines noires ont sans doute dû repérer la plaque d'immatriculation de la voiture. Je range mes provisions sur le siège passager et reprend ma route.

Alamogordo est beaucoup plus grande qu'Orogrande : je met une heure pour sortir de la ville. A moins que ce ne soit à cause de l'heure de pointe. En cours de route, je repère un garage qui propose d'échanger sa vielle voiture contre une neuve. La chance doit être de mon côté ! Je retourne sur la route 54 avec un SUV gris plutôt confortable. Le vendeur m'avait d'abord conseillé de petites voitures passe-partout mais je lui ai mentit que j'avais une famille nombreuse et il a immédiatement changé de rayon. J'ai signé quelques papiers en utilisant ma fausse identité et ai payé le vendeur pour qu'il oublie malencontreusement de classer les documents avec les autres. Juste au cas où.

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- Une chambre pour deux nuits s'il vous plait.

- Ça fait soixante-trois dollars.

Je pose les derniers billets qu'il me reste sur le comptoir et me dirrige vers ma chambre. Après avoir faillit m'endormir au volant, j'ai décidé de m'arrêter dans la ville la plus proche, Corona, et de m'accorder deux jours de repos. Le motel dans lequel je fais étape est mieux entretenu que celui d'Orogrande. Je m'affale sur le lit comme une pierre et m'endors sans même m'en rendre compte.

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Les deux jours passés au motel de Corona m'ont redonné des forces. Tout le temps que j'y ai passé, je dormais, en ne me levant que pour manger, aller aux toilettes ou prendre une douche. Comme il ne me reste plus que des pièces de monnaie, je quitte le motel pour de bon et cherche une cabine téléphonique. J'ignore si je pourrais joindre mes parents d'ici mais je veux tenter le coup. Je sais que c'est dangereux mais le temps que Gabriel me repère, je serais déjà loin. Sauf s'il est dans les parages : dans ce cas, je suis grillée. Je compose le numéro fixe de mes parents en sachant qu'a l'heure où je les appelle, ils sont sûrement en train de dîner. J'attend une minute et mon père décroche :

- Qu'est-ce que c'est ? Si c'est pour la tombola on a déjà donné !

Mon père est comme ça : quand il ne connait pas le numéro, il incendie son interlocuteur.

- C'est moi papa.

Il y a un silence. Pas très long.

-Mia ? Eveline, braille-t-il, c'est Mia !

- Papa je n'ai pas beaucoup de temps. Dis-moi... maman et toi vous n'avez pas eu d'inconnus à votre porte récemment ?

- Si, deux gugus qui disaient te connaitre. Y'en a un qui m'a vraiment fait peur avec ses yeux marrons, on aurait dit un serpent ! L'autre, par contre, il avait l'air gêné. Presque triste, si tu veux savoir. Cheveux châtains, les yeux clairs et une petite cicatrice au-dessus de l'œil droit.

Angelo !

- Dis-moi papa (j'ai un gros doute sur l'identité du deuxième) celui qui l'accompagnait, il t'a donné son nom ?

- Oui, heu... attends que je m'en souvienne.

- Matthias, lui souffle ma mère, j'ai bien cru qu'il allait se mettre à nous menacer mais il n'en a rien fait !

J'en étais sûre ! Mattias surveille mes parents et Gabriel est à ma poursuite.

- Papa, maman, je ne vous rappellerais pas avant un moment. Vous êtes surveillés alors ne faites rien qui puisse les mettre sur la voie. Je ne vous dis pas ou je suis : ils ont dû placer un mouchard sur le téléphone fixe. Je vous aime.

La communication se coupe soudainement, sans que j'aie pu entendre leur réponse. Je file vers mon SUV et démarre en trombe. C'est reparti pour une longue route vers le Kansas.

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La nuit tombe et je me fais violence pour ne pas m'endormir. La ville la plus proche est a plusieurs kilomètres et je ne peux pas rebrousser chemin. J'arrive à un carrefour, quitte la route 54 et emprunte la 40. Direction la gare de Los Tanos. Je regrette déjà mon SUV mais je dois être prudente. Il me reste quelques provisions que je tasse dans mon sac à dos : moins j'ai de bagages, plus je suis rapide. Comme je n'ai plus un sou en poche, je reproduis le même stratagème utilisé pour entrer au Nouveau-Mexique : je monte dans le train, je me planque aux toilettes et je ressors une heure plus trad, l'air de rien.

Après le départ des contrôleurs, je m'installe sur un siège en serrant mon sac à dos contre moi. Une mère et son fils de sept ans environ sont assis en face de moi. Le petit garçon me regarde avec de grands yeux fascinés. Je ne lui prête pas vraiment attention jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche :

- Tu fugues ?

- James, le reprends sa mère, ne dérange pas la demoiselle.

- Ne le grondez pas, c'est marrant parce que je pensais que ça ne se voyait pas.

Je fais un clin d'œil à James. Le petit garçon se met à me poser pleins de questions sur moi et j'avoue que ça, ça ne me plaît pas. Comme il attend toujours que je lui réponde, je choisi de lui apprendre quelque chose plutôt que de me dévoiler :

- Tu sais James, il y a des choses, parfois, qu'il ne vaut mieux pas savoir.

- Vous avez de ennuis ? intervint sa mère.

- Oui, soupirais-je, et des gros.

Je m'endors d'un coup en rêvant de la vie que j'avais avant de rencontrer Gabriel. Cette vie-là, me semble à présent irrécupérable. Dans mon sommeil, je sens des larmes couler sur mes joues. Je me déteste d'avoir été aussi lâche quand cette foutue Lamborghini s'est crashée dans ma rue. Je me déteste parce qu'à cause de ça, je ne pourrais sans doute plus jamais revoir mes parents. Ni même fonder une famille si je suis tout le temps obligée de fuir. Voilà la punition du fugitif. Voilà ce qu'il endure s'il a la chance de ne pas se faire prendre par ceux qu'il fuit. Voilà ma punition pour être tombée amoureuse d'un criminel. 

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