P r o l o g u e

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𝑷𝒓𝒐𝒍𝒐𝒈𝒖𝒆


𝑨𝒗𝒂


Un hurlement m'échappe.

Le regard craintif, j'observe mes mains ensanglantées. Mes cris comme des suppliques douloureuses écrasent mes tympans et rompent mes cordes vocales, pendant que mes jambes boiteuses courent le long des murs en briques tannées. Lorsque mes pas s'emmêlent, mon corps retombe sur le sol en bitume dans un fracas. Aussi, quelques mèches blondes, tachées de sang séché, cachent ma vue.

D'un revers de main, je les dégage puis zieute les fenêtres brisées, aux toiles d'araignées, de l'entrepôt à ma gauche avant de ramper sur plusieurs mètres. Un martèlement atroce opprime ma cage thoracique à mesure que je tente de me relever. Mes sanglots étouffés deviennent des appels à l'aide.

Quand mes pieds chancelants dévalent à nouveau l'asphalte, près de quelques pylônes, je balance ma tête en arrière. Mes beuglements pourraient rameuter toute la ville et mon chemisier déchiré virevolte au gré de mes pas qui s'accélèrent.     

Camden.

Cette nuit-là, sous une pluie battante, des orages bruyants, une pleine lune éthérée, je suis rentrée seule.


Mes paupières s'ouvrent, tout s'évapore en un battement de cils.

Je suis partie ce soir.

Délibérément, j'ai évité ses yeux, ceux qui me transpercent d'une violence à en faire flétrir mon âme. Je me suis barrée, sans laisser échapper le moindre mot. En ce moment, c'est ce que je fais de mieux, fuir.

J'imagine que c'est de famille.

Le froid pénètre chacun des pores de ma peau gelée ; j'avance dans la zone industrielle aux entrepôts délabrés qui s'étendent à perte de vue. Dans un paysage nébuleux, leurs ombres s'étirent sous la pleine lune et s'écrasent sur le béton fissuré. Le bourdonnement des usines désertées berce mes oreilles.

Demain matin, Julien quarante-sept ans, ouvrier de la classe moyenne ira au travail, se demandant ce qu'il a fait pour en arriver là. Parce qu'en réalité, Julien rêve de plus grand.

Mes pas foulent le sol rugueux ; je soupire avant de m'arrêter au milieu du parking pour m'asseoir. Aucune voiture à l'horizon, seuls les lampadaires projettent un faisceau de lumière à peine perceptible. L'éclairage dévoile une horde de graffitis évanescents contre les murs qui jouxtent le site. Le vent siffle contre mes joues ; mes iris rougis par une substance illicite observent les taches d'huile qui maculent le bitume.

Le bruit d'un moteur tonne dans le silence mortuaire, tandis que je reste immobile, le cul posé sur l'asphalte aride.

Il est là.

Trop tard.

Je ne peux plus éviter son regard perçant, son ton désinvolte – parfois acerbe –, encore moins sa violence.

Mon frère est apathique.

Si certains aimeraient réussir à le sonder, je l'évite autant que possible depuis mon retour à la maison. Mais ce soir, je ne peux pas me dérober ; ce soir, il n'est pas seul. Les pas échoient à mesure que le claquement de ses chaussures écrase les lieux et piétine le peu de quiétude qu'il me restait.

— Ava ! gronde sa voix dans mon dos.

Je reste immobile, enracinée sur le béton, tandis qu'il s'achemine jusqu'à moi et m'empoigne l'avant-bras pour m'obliger à me relever.

— Je t'ai dit de m'attendre au bar, fulmine-t-il en me secouant. Putain, t'en fais qu'à ta tête.

Sans tarder, je me relève, l'observe avec dédain et lui décoche un regard assassin. Pourtant sa poigne ne s'amollit pas autour de mon pull en cachemire, alors que j'essaie de m'en dégager.

— Connard..., maugréé-je. Lâche-moi.

Mon frère s'exécute avec colère avant de faire un signe de main à son collègue. Avec précaution, ils avancent près des portes en métal. D'un air rageur, Cameron donne un coup brusque qui fait vibrer l'alliage.

— Putain, marmonne-t-il, c'est doublement protégé.

Mon regard glisse, au même moment que le sien, vers les caméras de surveillance situées dans les coins des murs alors que nos pas nous ont rapprochés des vieux bâtiments. Il se tourne pour me jauger quelques instants, puis plonge sa tête dans la paume de ses mains.

Je zieute son ami – s'il ne s'agit pas plutôt de son larbin –, ses cheveux gras dévalent son front, ses mèches brunes cachent presque ses yeux noirs bien trop enfoncés dans leur orbite. Sa carrure imposante et son regard lubrique ne m'inspirent pas grand-chose. Aucun de ses acolytes ne m'inspire confiance, en réalité.

Ses iris licencieux me scrutent, je reconnais aisément ce genre d'attention ; elles ne sont jamais anodines.

Surtout lorsqu'ils sont amis avec Cameron.

La seule raison qui l'empêche de me violer, ici, sur le parking mal éclairé de cette zone désaffectée, c'est lui. S'il réfrène son envie de me prendre contre la porte métallique d'un des entrepôts, c'est parce qu'il connaît bien mon frère. 

Je suis le seul qui puisse lui faire du mal ; vous voyez le genre.

Parfois, l'envie de l'étouffer dans son sommeil surgit sans prévenir. Mais il s'agit toujours d'envies passagères ; qui s'estompent, comme ce soir, à mesure qu'il passe une main dans sa chevelure blonde retombant sur son front. 

— Pas ici, lâche-t-il d'un ton plus calme. On va trouver autre chose Knox.

Le fameux « Knox » acquiesce. Je comprends qu'il avait autre chose en tête, il ne porte pas de cagoule. Ni même une capuche, comme à son habitude, qui pourrait potentiellement cacher son visage des regards indiscrets.

— Pourquoi est-ce que tu m'as demandé de venir ? murmuré-je.

— Pour que tu décores ce trou paumé, rétorque-t-il, cinglant. J'ai besoin que tu m'aides, c'était pas clair ?

Lorsque je secoue la tête, il fronce les sourcils interloqué par ma réplique.

— Tu crois que t'as le choix peut-être ?

Sans prélude, il enserre mon coude pour me traîner de force jusqu'à la Dodge Charger noire laquée garée plus loin. Son dernier bijou en date. Flambant neuve, modèle de 2022, au moteur V8 haute performance, elle dégage un sacré caractère, presque aussi explosif que celui de mon frère. Les phares avant aux projecteurs LED m'aveuglent, tandis qu'il déverrouille les portières en sortant les clés de la poche de son jean noir. Je grimace et remonte mon avant-bras libre pour me frotter les yeux.

Lorsqu'il me tire davantage, je percute la carrosserie. Je lance un coup d'œil aux calandres imposantes qui forment une longue croix dans le métal scintillant avant de m'enfoncer dans le siège passager. D'un geste vif, il referme la portière. Mon regard fixe le tableau de bord pendant que je soupire, agacée. Jusqu'à ce qu'il refasse surface pour s'asseoir côté conducteur.

— J'ai prévu un truc Ava, et tu vas m'aider sœurette.

Et il me tarde de savoir en quoi, bien sûr.



✰✰✰

Et il nous tarde à tous de savoir...

Hey hey !

Si vous êtes ici, c'est peut-être que vous venez de finir Fatal Fate et que vous commencez ma nouvelle histoire 😋

Si c'est le cas, bienvenue, sinon, enchanté 🤓 moi c'est Irina et j'espère que TPU te plaira 🤍

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