4| Les preuves restent et les images ne mentent pas

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« Ça ne sert à rien d'essayer, on ne peut pas croire à des choses impossibles. »



𝑬𝒓𝒐𝒔



Les moteurs rugissent dans l'air froid de la piste, je m'apprête à prendre place dans le cockpit de ma McLaren MCL 36. Pendant que les ingénieurs s'affairent autour de la voiture, ils ajustent les derniers paramètres, tout en vérifiant les niveaux de carburant.

Mon cœur martèle ma poitrine, mon sang pulse dans mes veines et l'excitation assombrit mes iris noisette. Cette course signe mon ultime chance de gagner des points pour Monaco dans deux semaines : la dernière course de cette saison et donc, l'opportunité d'être champion. Mon rêve d'enfance se concrétise. Mon unique lubie prend forme et se dresse face à moi en un circuit de 5,891 kilomètres.

Silverstone, mon seul ennemi aujourd'hui.

La pression de la ceinture de sécurité m'enserre les hanches. Tandis que les écrans du tableau de bord s'allument et affichent les données cruciales, la température des pneus, mais aussi les paramètres vitaux.

On va éviter de crever aujourd'hui, pas avant Monaco.

Putain, comme avant chaque Grand Prix, la pression augmente. Et les heures, semaines, mois d'entrainement me reviennent en pleine figure. J'ai peur d'échouer, que McLaren ne puisse compter que sur Grayson pour espérer monter dans le classement. La peur de ne pas être à la hauteur me consume. Je ne l'ai jamais été, et je suis effrayé à l'idée que tout ce pour quoi je me suis battu corps et âme disparaisse en un battement de cil. Une poussière sur mon chemin qui s'évapore comme mes vieux fantômes lorsque j'entre dans une pièce animée.

Comme cette porte, éclairée par des néons rouge carmin, qui me hante chaque nuit.

Je suis toujours concentré sur les tableaux d'affichage, les voix des ingénieurs s'éteignent dans mon esprit. Lorsqu'ils me rappellent les stratégies de courses, les conditions météorologiques, et surtout, tout ce que j'ai besoin de savoir sur mes concurrents, je tente de me concentrer. La routine. Sauf que cette fois-ci, c'est la dernière ligne droite avant Monaco, avant la finale.

Mon souffle se coupe, tout autour de moi semble flou, mes yeux se coincent sur les taches d'huile qui maculent l'asphalte.

4, 3, 2... 1.

Je relâche ma respiration. Le feu vert clignote pendant que je m'élance sur la piste par automatisme, de ceux qui ne laissent pas place à la réflexion. Le circuit – une rivière sinueuse de bitume – s'étend à perte de vue. Si je réfléchis trop, je sais que je vais abandonner.

Les hurlements des supporters écrasent mes oreilles avant qu'il ne devienne qu'un lointain écho lorsque je tourne dans les premiers virages à plus de 300 kilomètres par heure. Ma McLaren réagit toujours aussi bien et je prends de l'avance sur mes concurrents. Les mains crispées autour de mon volant, j'enclenche la vitesse au-dessus, ce qui fait crisser les pneus dans les virages.

Mon cœur rate un battement avant de tourner sur la gauche. Le DRS s'active, et je déploie l'aileron arrière pour réduire la traînée dans la ligne droite.

Tout est calculé, rien n'est laissé au hasard, chaque microseconde compte. Sinon, je prends le risque de tout perdre. Les freinages sont anticipés, rien ne peut m'échapper.

D'une oreille presque absente, j'écoute les consignes de l'équipe à travers la radio. Les changements de stratégie commencent, alors que j'entre dans les arrêts aux stands. Ils sont déjà parés, les mécaniciens et les pneus m'attendent, parce que chaque seconde que je perds est une potentielle seconde qui peut me faire monter dans le classement. Alors il faut faire vite. Sans tarder, la course reprend, l'air s'engouffre à nouveau dans le cockpit et pressurise contre mon casque. L'adrénaline inhale chaque pore de ma peau gelée, tandis que j'approche de la ligne d'arrivée...

The Pilot UnionWhere stories live. Discover now