The Pilot Union

6| Qu'on lui fasse une Carrie, qu'on en finisse !

« Ne mieux vaut-il pas inspirer la crainte que l'amour? »

𝑨𝒗𝒂

— Tu restes au fond, affirme-t-il d'une voix grave. On sait pas encore comment ça va se passer.

Le silence étrique l'air de la voiture, j'enfonce mes fesses un peu plus loin dans le siège en cuir de sa Dodge et fixe la route. La nuit a déjà obscurci les environs, l'échéance arrive à terme. Il a enfin trouvé ce qu'il cherchait la dernière fois sur ce site aux hangars alignés. Les caméras de surveillance le dérangeaient, parce que ce qu'il voulait c'était un lieu abandonné. Sans témoins, sans flics, sans problèmes.

— On a tout préparé avec Thane, continue-t-il d'un calme qui ne lui ressemble pas. J'aurais besoin d'une seule chose venant de toi, Ava.

D'un signe de tête, je lui indique de continuer. Ses devinettes ne m'enchantent pas. Autour du volant, ses mains se resserrent et mes doigts agrippent un peu plus la portière lorsqu'il accélère dans un virage. D'un geste vif, j'abaisse la vitre de la voiture, je veux sentir l'air froid taper contre mes joues. Mon pull en cachemire, au col bardot, laisse filtrer le vent sur mes épaules dénudées et me fait frissonner.

L'adrénaline, la vitesse, le risque m'ont toujours attirée.

J'aime sentir mon cœur battre à deux cent kilomètres-heure, j'aime savoir qu'à tout moment, le sol peut s'effondrer sous mes pieds.

Lorsque j'étais plus jeune, avant de partir de Primrose, mon frère venait tout juste d'obtenir son permis de conduire, à seulement dix-sept ans. Quant à moi, je rentrais en cinquième, et la gamine que j'étais se fichait des répercussions. Lui et Daemon avaient dégoté la voiture de son père, puis m'avaient embarqué, moi, Grace, et deux blondes dans une course poursuite contre les flics. Le genre de souvenirs qui m'ont hantée chaque jour à Bel Air.

Parce qu'ils me rappelaient sans cesse tout ce que je ratais à la maison. Et si je suis tout à fait franche, j'ai toujours craqué en secret pour Daemon. Le grand méchant garçon, le meilleur ami de mon frère, aussi beau que damné. Aussi ne-suis je même pas étonnée qu'il ait fini en taule. Ça devait bien arriver un jour ou l'autre.

Ses yeux vairons m'intriguaient, je me demandais sans cesse comment il pouvait être aussi insensible à toutes les filles qui l'approchaient.

Je n'ai jamais fait exception à la règle.

Du plus loin que je me souvienne, mon frère a toujours été spécial. Impénétrable, psychotique et violent. Lui et Daemon faisaient la paire. Aussi taré l'un que l'autre. Pourtant, je peux sentir que quelque chose l'a changé, bouleversé. Et ce n'est pas son séjour en prison, ce n'est pas que ça, c'est bien pire. Il n'a plus cette lueur joyeuse, il n'a plus les yeux qui pétillent. Ce qui l'abrite n'est plus qu'un vide béant, il n'est plus cet être insouciant que j'ai connu avant de partir.

Il n'est plus le même qu'en 2015, plus depuis mon accident.

— Tu seras mes yeux et mes oreilles, Ava, articule-t-il, tu comprends ? J'ai besoin que tu me rapportes tout, chaque détail, même ceux qui te semblent insignifiants. Absolument tout.

Le ton autoritaire de mon frère imprègne l'air, et mon souffle se libère lorsqu'il ralentit pour trouver une place sur le parking mal éclairé.

Une flanquée d'entrepôts s'étend face à moi, avant que le blond ne me tire le bras pour m'emmener derrière l'un des murs contigus qui borde le site. Un immense bloc de béton se dresse face à nous, et derrière, un chemin mène vers un stade de football abandonné. Quelques réverbères longent le grillage arraché à certains endroits, éclairant d'une faible lueur mordorée.