5| On est la victime ou le bourreau.

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« Tut, tut, ma petite, dit la duchesse, tout a une morale si l'on cherche bien. »



𝑨𝒗𝒂



Le cul sur le béton froid et la tête plongée dans mes mains ; la porte en métal mal refermée, laisse filtrer les cris qui proviennent de l'extérieur et écrase mon cerveau endolori. Les hurlements rauques de Knox font vibrer chacune de mes terminaisons nerveuses et hérissent mes poils.

Le couloir est vide, à peine éclairé par cette lueur vert mine qui se reflète sur le carrelage de l'escalier un peu plus haut. L'air est lourd, le vent engourdit mes gestes et le froid s'infiltre par les cloisons. Aucune issue, si ce n'est cette porte, celle qui mène à mon frère. Leurs insultes, les bruits de poings qui s'affaissent, et d'os qui se brisent me laissent en inertie. Incapable de bouger.

La violence.

Celle-ci même qui m'habite depuis si longtemps.

Parfois, ma rage me consume, elle m'étouffe et perfuse mon cœur. Parce que cette fureur – la même qui hante mon frère – m'effraie.

Parfois, mes propres émotions me paralysent. Depuis que je n'ai pas remis un pied sur la glace, j'ai de plus en plus de mal à contrôler mes crises. Je n'y retournerai plus, je ne veux plus jamais éprouver ce que j'ai ressenti ce soir-là.

Lorsque les lames entraient en friction avec la glace, je pouvais sentir... D'un mouvement de tête, je balaie le flot de souvenirs qui m'envahissent. Les sensations s'immiscent dans une réalité troublante, comme une empreinte de vin indélébile sur un tapis blanc nacré d'une pureté immaculée.

Un cri, puis le deuxième et le trou noir.

Cameron a arrêté.

Le silence mortuaire étrique les murs et laisse flâner une douce odeur de sang, de brutalité. Il en a fini avec lui. Lorsque ses pas martèlent le sol lisse, son regard absent évite le mien à tout prix. Aucune culpabilité dans ses iris assombris, ses billes de métal zieutent ses phalanges ouvertes avant qu'il ne me fasse signe de le suivre.

— On a du travail, bouge tes fesses de là.

Son ton ferme sonne comme un ordre, pourtant je reste immobile, enracinée au sol. Lorsqu'il s'approche de moi avec impatience, je le sens qui fulmine.

— Lève-toi, crache-t-il. Je vais pas me répéter, Ava.

Putain, que me veut-il, au juste ?

Sa main enserre mon avant-bras et me tire avec violence. Mes pieds se décollent presque du sol avant que je ne me rattrape sur son torse. Ses yeux me fixent durement, et sa colère me glace le sang. Sa rage, elle est incontrôlable et me terrifie toujours autant.

— Cameron, marmonné-je. Tu me fais mal, lâche-moi.

Ses doigts, toujours accrochés à ma peau, se détendent. Sa respiration saccadée se calme, et il me fait signe d'avancer.

— Pourquoi ? m'insurgé-je. En quoi je te suis utile, au juste ?

Un long soupir s'échappe de ses fines lèvres avant qu'elles ne s'étirent dans un rictus caustique. D'un léger mouvement de la tête, il m'indique les boules qui clignotent de faible lumière rouge dans chaque coin du couloir.

— Je peux pas t'expliquer ici, souffle-t-il près de mon oreille.

Toujours fourré dans de sales affaires.

D'un pas mal-assuré, je me résigne à le suivre jusqu'aux escaliers, puis m'engouffre à nouveau dans cette salle lugubre. Une fillette de dix-huit ans en plein milieu d'un club de combat illégal. Le rouge me monte aux joues et la chaleur de la pièce bondée m'inonde.

The Pilot UnionWhere stories live. Discover now