36- Le soldat

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- Inaya -

Cette nuit, j'ai encore fait un cauchemar.

J'ai vu la mort dessinée sur le visage de Nino. J'ai entendu la vie lorsqu'il l'a exhalée dans une dernière expiration, jurant qu'il m'emporterait avec lui.

Ses yeux livides, son souffle figé, son pouls absent... A cause de moi.

Au moins, Sebastian est au courant. Ça me pesait tellement que je n'en veux pas à Eve de m'avoir dénoncée. Je n'ai plus à lui cacher ça. Je n'ai plus peur qu'il m'abandonne. Je culpabilise, juste.

Je n'ai pas été punie pour la mort de Nino et je ne le serai jamais. Sa disparition semble si habituelle, si insignifiante, si naturelle. Un constat si affreux.

Est-ce que certains méritent vraiment de mourir ? Et si Sebastian en faisait aussi partie ? 

Etouffer les remords. C'est pour ça que je suis là.

Mon cœur bat vite et ma respiration est oppressée par le stress que me provoquent les regards posés sur moi. Tous des hommes. Pesant jusqu'à deux fois mon poids en muscles.

- Aujourd'hui, je vais commencer par vous apprendre les réflexes vitaux, articulé-je en rougissant.

Nonna est installée dans un coin de la pièce et c'est bien la seule à avoir un comportement normal. Quant aux soldats, certains n'osent pas lever la tête pour me regarder alors que d'autres ont les yeux rivés sur moi avec une concentration forcée. Mais tous sont plongés dans un silence qui trahit la discipline que Sebastian leur impose.

Je me demande comment faire pour les pousser à participer. On n'apprend pas un massage cardiaque en restant immobile et muet... Sans parler de ceux qui n'osent même pas me regarder.

Je m'éclaircis la gorge et le son rebondit sur les murs de béton, résonnant une puis deux... trois fois avant de s'éteindre.

- L'essentiel à retenir en premier secours, c'est que l'humain réfléchit très mal dans une situation de stress.

Il tue des gens par exemple.

- Tout ce qu'on va voir pendant ces séances doit devenir un réflexe, de façon à ce que vous n'ayez pas besoin d'y penser pour le faire.

Je prends une craie sur le bord du tableau mobile que les hommes assis devant moi ont porté jusqu'ici.

Sebastian a délégué l'organisation des séances à nonna en lui imposant une seule condition : ma sécurité. De ce que j'ai cru comprendre, nous sommes tous menacés par les Visconti. La trahison de Nino a aussi ravivé la méfiance de Sebastian.

Les cours ont donc lieu dans une sorte d'usine à cinq minutes du domaine, munie d'une armurerie, de caméras de surveillance et probablement d'un tas d'autres équipements dont j'ignore l'existence. On ne voit même pas la lumière du jour dans l'immense salle où nous nous trouvons.

Je trace un algorithme.

- On vérifie d'abord l'état de conscience du patient. Il suffit de le secouer en l'appelant par son nom pour stimuler ses sens.

- Ou on fout une bonne baffe, chuchote l'un d'eux en pouffant.

Je me tourne et surprends un soldat qui se pince les lèvres. Tout le monde me regarde en constatant que je me suis arrêtée. Une ambiance lourde d'appréhension s'effondre sur la pièce.

J'esquisse un léger sourire.

- Ça marche aussi, répartis-je, mais j'espère qu'il ne se réveillera pas dans ce cas.

L'héritier du crimeDonde viven las historias. Descúbrelo ahora