Chapitre 2**

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Je ne parviens pas à trancher un avis sur ce que ma sœur vient de dire. Selon elle, il y aurait un mieux. Mais pourquoi j'ai aussi l'impression qu'elle voudrait que je mette Fabien de côté ?

À l'intérieur de moi, c'est à la fois une révélation et un affront.

Oui j'ai un peu avancé ! Non mais comment ose-t-elle ?

Ne trouvant pas de juste milieu à mes pensées qui me tiraillent, je choisis de ne rien répondre. Ma soeur me veut du bien, je le sais. Si je me sens un peu blessée, c'est sans doute que je ne mesure pas le sens de ce qu'elle m'a expliqué, c'est tout.

Mon malaise ne dure pas car j'entends les aboiements de Stark ainsi que ceux, bien plus aigu, d'un autre animal.

J'abandonne rapidement ma sœur pour me diriger vers mon chien que je retrouve derrière un platane.

Sa queue bat rapidement. Il s'amuse, donc. Ouf !

En m'avançant, je constate qu'entre ses énormes pattes avant se trouve un minuscule toutou, couché sur le dos. Je ne suis plus si confiante, d'un coup ! La peur me gagne. Je rappelle Stark. Au pied. Il s'exécute, dans la seconde.

Le mini-pouce qu'il tenait en respect s'avance vers nous.

— Glaçon ! retentit une voix grave.

Entendant ce rappel, le chien se contente de s'asseoir devant nous, frétillant de sa queue en panache.

Je ne suis pas d'un naturel moqueur, et d'une manière générale j'essaie d'éviter le jugement, mais la différence entre l'homme qui s'avance, carrément immense, et son chien, tellement minuscule, est si risible qu'il m'est impossible de réfréner le gloussement qui franchit mes lèvres.

— Et en plus ça écoute que dalle ! peste-t-il.

Je l'observe « ramasser » son chien d'une seule main. Stark réagit et se lève sur ses pattes arrière. Le mouvement de recul de l'homme attise encore plus sa curiosité, le chien s'avance. Je tâche de le retenir au collier. Surprise par la tournure des choses, je ne pense même pas à lui donner l'ordre de se rassoir.

— Mais putain, retenez votre monstre ! m'invective-t-il.

— Monstre ? Nan mais vous rigolez ! Déjà, c'est vous qui excitez mon chien en portant le vôtre, c'est la base de l'éducation canine ! Et Stark est doux comme un agneau ! S'il était un monstre, il l'aurait mangé en une bouchée, votre avorton !

Je m'attends à recevoir une vague de colère bien méritée. Mais non. Visiblement perturbé, l'homme baisse la tête en caressant son chien, une émotion indéfinissable dans ses yeux.

— C'est vrai que c'est un avorton.... Mais je n'ai pas eu le choix, marmonne-t-il.

J'entends ma sœur qui me hèle en nous rejoignant. Quand elle arrive à notre hauteur, son sourire s'élargit.

Elle ne semble plus savoir où donner de la tête entre l'homme et moi. De toute évidence, le Golgoth et son chien miniature face à la taille réduite – que je suis – et son molosse géant a un effet récréatif.

— Oh, ils sont trop mimis, miaule Marina qui s'accroupit. Stark s'est fait une copine !

Pendant ce moment de flottement, je n'ai même pas remarqué que nos chiens se sont couchés l'un à côté de l'autre. Cette vision attendrissante nous ramène au calme.

L'homme me fixe, interrogatif. Je perçois le sourire qui s'évertue à ne pas laisser transparaître.

— Un copain ! corrige-t-il.

Sur le chemin du retour, Marina est pleine d'énergie. Elle ne parvient pas à cesser sa boucle infernale de rire au sujet de cet homme, de moi et de nos chiens si peu assortis. La première fois, c'était rigolo. La seconde, c'est surtout l'envolée de son rire qui m'a fait céder. Mais au bout de quatre fois, elle me lasse.

— S'te plait, Marina, tu passerais pas à autre chose ?

—Oh, ça me fait trop rire ! Et puis, le fait que tu aies parlé à un être humain, masculin qui plus est, c'est génial, non ?

— Non.

—En plus, le côté Bad-boy avec le chien de Paris Hilton, je sais pas si c'est sa technique de drague mais...

Je ne prends pas la peine d'écouter la suite. Je repense à cet homme. Pas à la manière de Marina, non, je me remémore l'émotion dans ses yeux quand j'ai eu une parole un peu sèche au sujet de son chien. Mes à priori m'ont mené à croire qu'il allait s'emporter et que nous allions nous disputer. Peut-être même que c'est ce que je voulais. Ressentir autre chose que du chagrin. Avec sa tête de viking, et sa carrure d'armoire à glace, je m'attendais tout sauf à ça.

Ma sœur continue son discours.

Je sais qu'elle essaye d'amener du soleil dans mon cœur, qu'elle fait rayonner son énergie pour que j'en capte un peu. Je l'aime pour ça.

Mais un jour comme aujourd'hui, tout cela sonne faux. Le jour de l'anniversaire de la mort de Fabien, je n'ai pas envie de faire semblant.

D'un coup, je m'arrête et déclame.

— Emmène moi au cimetière, s'il te plait.

Après LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant