Wolf's eyes

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Je marchais depuis bientôt une demie-heure dans cette forêt. Ça m'apaisait. La tension était encore montée à la maison : ma mère et moi nous étions disputées pour la énième fois en une semaine. Nos sujets de disputes étaient diverses et variés, allant de mon comportement à des proportions de farine pour une recette de cuisine. Cette fois-ci, c'était sur le fait que nous allions héberger deux mois mon cousin émigré à Seoul pendant que ses parents faisaient un gros "voyage d'affaire". Je ne les aimais pas, ils étaient aussi faux que le corps de Nabilla. Je ne les voyais que le strict minimum : à Noël. Cela devait être pour cela que je détestais cette fête. Mon cousin, Théophile était une personne, selon moi agaçante, le casse-cou dans une classe par excellence. Je me demandais comment il survivait à l'enseignement coréen, imposant tellement plus d'efforts que le système belge. Je ne connaissais pas sa moyenne, mais je savais pertinemment qu'il serait incapable, plus tard, de suivre les traces de ses parents et de devenir ingénieur. Nous avions le même âge - 16 ans-, étions presque du même sang, mais pourtant si différent. Ma petite soeur l'aimait encore bien, elle devait provenir d'une autre planète. Elle avait deux ans de moins que moi, c'était la meilleure confidente du monde.

Cette forêt dans laquelle je me promenais était extrêmement dense et possédait des chemins escarpés. Je n'y croisais jamais personne, hormis quelques cyclistes déterminés à se prouver qu'ils pouvaient surmonter n'importe quels obstacles et de simples promeneurs en quête de paysages sauvages et de cèpes de Bordeaux. On pouvait sentir que la nature reprenait doucement sa place. Pourtant, je venais dès que j'avais besoin de solitude, chose qui allait certainement devenir régulière dans les jours à venir. J'avais un endroit où j'adorais aller, même si le chemin pour y arriver était éprouvant. C'était une petite clairière, avec un immense arbre dominant les environs. Le plus souvent, je me contentais de m'appuyer contre avec de quoi grignoter, mon carnet d'écriture où un bon livre, mais quand l'envie me prenait, je grimpais jusqu'au sommet de cet arbre et contemplais la vue s'offrant à moi. À ce moment-là, je savais que je ne redescendrais pas avant un certain temps. Mes parents ne s'inquiètaient plus pour mes sorties improvisées. Ils savaient que je rentrais de là apaisée et prête à discuter. De plus, ils connaissaient aproximativement l'endroit où je me rendais.

Je trébuchai sur une pierre dépassant du sentier de terre. Je tombai "gracieusement" sur les genoux, pestai, et me relevai. Mon pantalon devait être bon à mettre à la lessive. C'était ma mère qui allait être heureuse... Qu'est-ce qui m'avais pris de venir alors que le soir commençait à tomber ? J'étais parfois beaucoup trop spontanée dans mes actes quand je m'énervais. D'habitude, j'étais plus réfléchie. Ce n'était pas que j'avais peur de me retrouver dans une forêt sombre et inhospitalière la nuit... Si, quand même un peu. J'abandonnai mon idée d'aller au grand arbre et fis demi-tour. Je ne n'aurais pas su lire mon livre avec l'obscurité ambiante. Je reviendrais sans doute le lendemain, peut-être par simple envie.

Le chemin de retour à la maison descendait tout le long, c'était plus agréable. Il fallait juste faire attention à ne pas trébucher, comme le sol était jonché de pierres ici et là. J'entendais des craquements autour de moi, mais n'y prêtais pas attention. Il y avait beaucoup d'écureuils dans le coin. Je voyais encore plus où moins bien, la nuit n'était pas encore totalement tombée. Les craquements se faisaient de plus en plus réguliers et sonores. Je finis par me stopper et jetai un oeil autour de moi.

- Il y a quelqu'un ? demandai-je pas très sûre de moi.

Comme si quelqu'un allait me répondre. Le vent commençait à souffler. Je haussai les épaules, pensant être victime de mon imagination débordante. Mais quelques pas plus tard, je me stoppai à nouveau. Les craquements persistaient. Aucun doute, il y avait quelque chose parmi les fourrés à ma droite. Je m'avançai silencieusement vers ses derniers. J'écartai quelques branches, contournai un gros buisson de ronces. Je n'eus pas m'aventurer plus loin pour découvrir d'où provenaient les bruits de tout à l'heure. Derrière les nombreux fourrés, deux paires de yeux brillants me fixaient avec intensité. Ils étaient bruns, mais brillaient autant que s'ils avaient été jaunes fluorescents. La paire de yeux sortit de sa cachette et s'avança lentement vers moi. Je me figeai de terreur. Un loup, c'était un gros loup. Celui-ci avait un pelage brun caramel et... ses crocs étaient sortis, il grognait. Je retins un cri. L'apeurer aurait sans doute fait empiré les choses. Mais que faisait-il dans les parages ? Les loups avaient disparu des forêts de Belgique il y avait de cela longtemps. Peut-être s'était-il échappé d'un parc animalier proche d'ici. Mais d'abord, était-ce vraiment un loup ? Cette bête y ressemblait fortement en tout cas.

Run, there's a wolf ( Vernon SEVENTEEN )Where stories live. Discover now