Chapitre 7

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Amina: Mais elle me répond. Je veux discuter avec elle.

Raïssa : Khamwa lingeni wakh deh. Dangene ma dieuw? (Je ne comprends pas ce vous dîtes! Êtes-vous en train de parler de moi?)

Amina: Maguy néna beugulo wakh ak mane. (Maguy dit que tu ne veux pas me parler.)

Raïssa : Dama sonou rek, loulu la. Dama beugeu nelaw. (Je suis juste fatiguée. Je veux dormir.)

Amina: waw, kone nioungui dem. (Ok, donc on s'en va).

Je n'avais pas l'intention de bouger de ma chambre. Je voulais être seule aussi. Aminata nous a laissées seules. Dés qu'elle est partie, Raïssa a repris son carnet pour écrire. Je n'y comprenais rien. Cette fille était très bizarre. Je décidais de l'ignorer. Je voulais dormir et elle s'est remise à pleurer.

Moi: Fi deh mo gueuneu Mbour. Mame dafa bakh torop.? (Ici c'est mieux qu'à Mbour. Mamie est trop gentille. )

Elle n'a rien dit, pas de réponses. Elle a néanmoins continué ses pleurs. Je voulais connaitre son histoire, elle m'obsédait. Ses pleurs me déchiraient le cœur, ça me rappelait les miens, comme ceux d'un animal blessé. Et comme malgré moi...

Moi : Danga am lulay metti? ( Tu as mal quelque part?)

Raïssa: Dama beugeu gnibi. Dama nameu sama wa keur. (Je veux rentrer . Ma famille me manque.) 

Ah je comprenais mieux, j'ai pleuré pour les mêmes raisons aussi. Je la comprenais parfaitement, étant passée par ce stade de désespoir. Celui de la résignation allait suivre, puis l'acceptation de sa propre situation et enfin l'ouverture de l'esprit.

Moi : Legui nga fatter li yeup. Dinga fi mine legui. (Tu vas vite oublier tout ça et t'habituer à etre ici.)

Raïssa : Meusuma sorri sama yaye ak samay rakkeu. Sama papa nena buma amul examen fi si college duma gnibiwatt. (Je n'ai jamais été éloignée de ma mère et de ma sœur. Mon papa dit que si je ne réussis pas à l'examen du collège, je vais rester définitivement ici.)

Moi : Lo def bamu indi la fii? (Qu'as tu fait pour qu'il décide de t'envoyer ici?)

Raïssa : Nena beugul ma tek sama boppu americaine, teh defuma dara. Dama am ay kharit yu beuri teh nekhuko. (Il dit ne pas vouloir que je me comporte comme une américaine, alors que je n'ai rien fait. Il n'aimait pas mes fréquentations.)

Moi : Yow amnga papa bulay topoto. Mane sama papa dafma sori teh dafmay metti. (Au moins, ton père est là pour toi. Le mien vit très loin de moi et je souffre aussi.)

Raïssa : Niatta atteu nga am? (Tu as quelque âge ?)

Moi : 11 et demi, presque 12. Decembre lay am 12 ans.

Raïssa : Khawma luy lolou. Wane ma akh sa lokho. (Je ne sais pas ce que tu veux dire. Montres moi avec tes mains. )

Je venais de comprendre qu'elle ne connaissait pas les chiffres en français. Je lui indiquais mon âge avec les doigts.

Raïssa : Ok. Almost twelve. Mane dina am 13 ans, november bi. Mala magger beneu att.

(J'aurais 13 ans en novembre, j'ai un an de plus que toi.)

Moi : lolou beuriwul. Wa lane ngay bindeu ni? (Un an ce n'est pas beaucoup. Qu'est-ce que tu écris comme ça?)

Raïssa : Du dara. Sama diary la. (Ce n'est rien, juste mon journal.)

Moi : Luy lolou? (Qu'est-ce que c'est?)

Raïssa : Fofu lay bindeu lu khew si sama aduna yeup. ( J'y écris tout ce qui m'arrive dans la vie.)

Moi: Ah. Ok. lolou war nassi am. Dinassi outi. ( Ah, ok. j'aimerais bien en avoir. Je vais m'en chercher un.)

Raïssa : Kharal ma mayla. (Laisse-moi t'en donner.)

Moi : Dedet, diarouko. Dina lathier sama papa mu mayma xaliss ma dieundeu ko. (Non, ce n'est pas la peine. Je vais demander à mon père de me donner de l'argent pour en acheter.)

Raïssa : Yow danga dof deh. Amna yu beuri. Am dieuleul bi. (Tu es folle, toi. J'en ai beaucoup. Tiens en voilà un. )

Moi : Merci.

Elle m'a souri. Je ne comprenais vraiment pas son attitude. Elle était froide en arrivant et là, elle me donne un petit carnet. Le carnet en question, était couvert de dessins multicolores, parsemés de fleurs. Les couleurs étaient très gaies. Et il y'avait une clé, dans un petit sachet, sur le carnet. Ceci me permettrait de garder mes choses secrètes. C'était parfait.

Au lieu de broyer du noir, je me mettrais à écrire tout ce qui me passerait par la tête.

Je jetais un coup d'œil à Raïssa, elle s'était replongée dans l'écriture. Je me suis approchée pour voir ce qu'elle avait mis a côté d'elle, sur la commode. Elle m'a encouragée à m'assoir sur le lit, à ses côtés. J'étais assez curieuse. Je me suis laissée convaincre. Elle avait beaucoup de livres en anglais, certains en français, des livres de mathématiques, etc. Elle était vraiment sérieuse avec ses études. Je voulais en savoir plus sur elle. Elle m'a parlé de sa sœur Aicha et son frère Bocar. Sa famille me faisait rêver. Quand elle me parlait de sa vie, je m'imaginais à sa place. Pourquoi la vie est si injuste?

Nous avons continué à discuter au lieu de faire la sieste. Mamie est venue nous chercher pour faire la prière. Rose préparait des fatayas comme d'habitude pour le goûter. Nous sommes allées l'aider, histoire de nous occuper un peu. Je ne m'en rendais pas compte, mais en l'espace d'une journée, la présence d'une jeune fille de mon âge, m'avait fait du bien. J'étais redevenue la fille insouciante et taquine, je ne pensais plus à mes blessures internes, sauf quand j'étais seule, avant de dormir. L'ouverture des classes approchait. Il ne restait plus que quelques jours. Une des filles de la maison des Diolas du quartier (Bintou) est venue nous tresser un dimanche matin. Tata Soda nous avait défrisé les cheveux la veille. Raïssa ne s'était pas défrisée, elle ne l'avait jamais fait d'ailleurs. Elle avait de longs cheveux crépus et surtout touffus. Elle ne se tressait pas non plus, mamie lui a fait des petites queues ou longues dans son cas, car ses cheveux étaient vraiment longs. Raïssa avait déjà commencé ses cours de perfectionnement en français.  Le répétiteur (Mr Samb), venait tous les matins à 10h, ils commençaient les exercices, lectures etc, automatiquement, jusqu'au déjeuner. Ils enchainaient ensuite les cours jusqu'à 17h. Ils suivaient le programme d'une classe normale, sauf qu'il n'y avait qu'une seule élève. Raïssa me faisait pitié car elle ne se reposait même pas après. Mamie s'inquiétait aussi. Nous faisions le maximum pour l'aider à mieux s'exprimer en français. Elle s'en sortait très bien. Dès l'ouverture des classes, la maison était devenue une petite prison. Plus de télé, ni de jeux, encore moins de bavardages durant les jours de semaines. Nous avions le droit de nous amuser juste à partir du vendredi, jusqu'au dimanche midi. Au delà de midi, nous devions aller faire une sieste après avoir mangé, puis mamie et tonton Souleymane s'assuraient que nos devoirs étaient bien faits.

Chronique de Maguy : le bout du tunnelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant