Chapitre 29

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Raoul ne revenait pas et j'étais déjà transférée dans une chambre. L'infirmière qui m'accompagnait ne voulait rien me dire, préférant sûrement que mon mari le fasse. Mes paupières étaient lourdes. Je m'endormais de fatigue et surtout à cause des injections qui m'avaient été faites à mon arrivée. Je sombrais dans un sommeil profond sans vraiment le vouloir. J'aurais aimé être rassurée sur l'état de mon enfant.

Je me suis réveillée avec un mal de tête atroce et le corps endolori. J'avais mal partout et j'avais toujours de la fièvre. Raoul était assis sur une chaise, en face du lit. Je l'ai regardé, mais ses yeux n'exprimaient rien d'encourageant.

Moi : Où est Sophie? (c'est le nom qu'il avait choisi pour notre fille.)

Raoul : Tu dois te reposer. Les médecins disent que tu as besoin de soins et de repos.

Moi : Soigner quoi?

Raoul : Ta fièvre et tes infections. Ils t'ont administré des antibiotiques.

Moi : Où est ma fille? Tu m'énerves à la fin!!!

Raoul: Elle est morte Maguy!!! Nous n'avons plus de bb.

Moi : (Je criais) Comment ça morte? Elle a pleuré, je l'ai regardée dans les yeux en l'embrassant. Ce n'est pas possible. Je ne te crois pas.

Raoul : Calme toi! Ça ne sert à rien de crier. Je suis aussi choqué et abattu que toi. C'est pour la sauver que le docteur a fait la césarienne. Ta fièvre était trop forte et tu délirais. Il y'avait aussi des risques à cause de tes infections. Tu lui as transmis ta fièvre et elle n'est pas descendue. Le pédiatre a fait tout ce qu'il fallait pour la réanimer. Son petit coeur est reparti mais elle était déjà en état de mort cérébrale. Je vais demander aux médecins de la débrancher pour qu'elle puisse rejoindre les anges.

Moi : Ils l'ont branché à quoi?

Raoul : À une machine qui permet de la maintenir en vie. Elle s'est sûrement assez battue, mais rien ne change. Je préfère la laisser partir en paix.

Moi : J'aimerais la voir.

Raoul : Ce n'est pas une bonne idée.

Moi : C'est mon enfant et j'ai besoin de la toucher. S'il te plaît.

Raoul : Tu ne peux pas y aller dans cet état. Tu es blessée et sous le choc. Reposes toi et manges. Tu la verras demain.

Il a poussé le dîner vers moi et est sorti de la chambre. J'avais envie de pleurer mais les larmes ne voulaient pas sortir. J'ai essayé de me lever, mais la douleur atroce au ventre m'a vite rappelée les points de suture. Je me suis recouchée rapidement. Je n'avais personne pour m'aider et j'ai dû appeler les infirmières à partir du bouton. Celle qui était venue m'a aidé à aller aux toilettes, à me changer, mettre une serviette hygiénique et m'allonger. Elle a soulevé le lit afin de me permettre de manger. Elle est revenue quelques minutes plus tard afin de voir ma blessure, la nettoyer etc.

Elle m'a aussi fait savoir que Raoul était retourné à la maison pour prendre des habits. Elle essayait de me remonter le moral, en me disant que j'étais jeune et que j'aurais l'occasion d'avoir d'autres enfants. J'ai aussi su que Raoul avait pleuré comme un malade et était hystérique à l'annonce de la mort cérébrale. Ça ne m'étonnait pas vraiment, car il était si pressé de voir son enfant. Je crois que dans mon esprit, ma fille allait se réveiller d'un moment à l'autre. Je ne prenais pas vraiment conscience de ce qui était arrivé. Je ne pouvais juste pas l'accepter. L'infirmière a vérifié ma tension, ma fièvre et m'a fait une perfusion. Je m'endormais presque automatiquement.

Le lendemain, Raoul passait me voir dans l'après-midi, pour que je voie le petit corps de notre fille. Une infirmière nous accompagnait et poussait la chaise roulante dans laquelle j'étais assise. Mon bb était dans un berceau transparent et était recouverte d'une couette blanche. Je ne voulais pas la toucher de peur de lui faire du mal, elle était si petite et magnifique. Elle avait les cheveux noirs de son père. Je n'ai pas pu résister et j'ai essayé de mettre mon doigt dans sa main. Sa petite main ne se refermait pas et je crois ça a été comme un déclic, me rappelant qu'elle était bel et bien morte. J'ai éclaté en sanglots, je l'ai prise dans mes bras et l'ai serrée contre moi. Elle ressemblait à une poupée, aucune réaction. Ahhh, ma petite Sophie!!! Je l'ai reposée et Raoul m'a demandé de ne pas m'en faire car nous ferions d'autres bébés.

Les docteurs, sages femmes, infirmières, défilaient dans la chambre pour nous présenter leurs condoléances et nous donner de l'espoir par rapport au futur. Je ne voulais pas de leur discours, mais je voulais des explications. Ils n'en avaient pas. Ils ne comprenaient pas ce qui s'était passé et voulaient faire des examens plus poussés afin de définir la cause de cette mort subite. Il fallait donc autopsier le bb. Je ne voulais pas que ma princesse soit découpée, ouverte et étudiée, mais je n'avais pas le choix. Il a été établi que son petit corps n'avait pas supporté la forte fièvre, elle avait aussi une petite malformation au niveau du coeur et une infection congénitale.

Je retournais à la maison trois jours plus tard, sans bébé, sans espoir et beaucoup d'amertume. Je pleurais pour tout et rien, j'avais les nerfs à fleur de peau. Tout dans la maison me rappelait la perte de ma fille: le berceau, les habits, les peluches, les cadeaux envoyés par les soeurs de Raoul, mes petites robes et bonnets offerts par sa mère, les décorations de Frederick, etc. Il me manquait quelque chose. J'étais très faible, je ne mangeais pas et restait cloitrée dans ma chambre, dans le noir. J'ai reçu la visite de la maman de Raoul, de ses soeurs et quelques amis. Mon mari attendait la naissance de Sophie, avant de me laisser fréquenter sa famille et ses amis. Il disait que je n'étais pas très  présentable avec la grossesse. J'étais déjà à 4 mois de grossesse en arrivant en France. Raoul a démonté toutes les affaires de bb et les a rangées dans le débarras. Il a ensuite appelé ma mère et mamie Anta pour les informer du décès de notre fille.


Mamie a eu le même discours que les infirmières, elle m'a rassurée et demandé de prier et de rendre grâce à Dieu, qu'il en avait décidé ainsi et qu'il fait toujours ce qu'il ya de mieux, et par conséquent de tout remettre entre ses mains. Elle avait promis de passer me voir après notre retour de voyage (Raoul lui avait dit que nous allions partir en lune de miel, histoire d'oublier la perte du bb.)

Ma mère a eu un autre discours: elle m'a demandé si j'avais pris la peine de prendre tous les médicaments et suivi les recommandations des médecins. J'ai répondu que oui. Elle m'a alors demandé de prendre soin de mon mari car il comptait beaucoup sur moi, pour lui faire des enfants. J'étais sa poule pondeuse quoi, en d'autres termes. Elle avait finalement formulé des prières pour notre couple et pour qu'Allah nous protège et que Raoul soit plus amoureux de moi.


Sophie a été enterrée et je n'ai eu ni la force, ni l'envie d'y assister. Je n'avais pas la force d'avertir Raïssa et comme mon mari m'interdisait de lui parler, il fallait attendre son absence. Le décès de mon enfant m'a rendue triste, taciturne et aigrie. Je n'en pouvais plus. Je me refermais sur moi, car n'ayant personne à qui parler. Et le fait que mon mari soit absent la plupart du temps commençait à m'énerver. J'avais besoin de quelqu'un pour me rassurer, pour m'aider à ne pas sombrer dans la dépression post-partum. Je n'avais hélas personne. La maman de Raoul faisait de son mieux pour me parler et m'aider à surmonter cette perte. Mais j'avais l'impression d'étouffer. Elle était gentille, mais j'avais besoin de ma famille.

Raoul et moi avons essayé de faire un autre bb pendant au moins 6 mois, mais rien ne se passait. L'acte sexuel était devenu une routine et une sorte de rituel juste pour m'engrosser. Je ne ressentais aucun plaisir, j'étais juste allongée, soumise et offerte. Ne pas tomber enceinte m'a anéantie. Je ne voulais plus vivre. Raoul me stressait avec cette histoire de grossesse, après l'acte sexuel, il me soulevait les jambes et les maintenait dans cette position pendant un bon moment. Je pensais tout le temps à un moyen de lui faire plaisir car je sentais que l'absence d'enfants l'éloignait de moi. Quand je lui ai parlé de mon désir de voyager comme il l'avait promis, il m'a demandé d'attendre qu'il revienne d'un voyage d'affaires. J'étais d'accord. Il m'a amenée faire des courses, du shopping, pour me faire plaisir, selon lui. Les habits ne m'interessaient vraiment pas. Le départ de mon mari m'a permis de reparler avec Raï, de lui expliquer mes malheurs et mon désarroi. Elle m'a réconfortée et a promis de tout faire pour passer me voir en France. Elle demandait si j'étais heureuse avec Raoul, je n'en savais rien. J'avais l'impression qu'il était comme une drogue pour moi, nocif et indispensable à ma vie. Je ne comprenais pas pourquoi il m'attirait. Je faisais systématiquement tout ce qu'il me disait.

Raïssa m'avait conseillé de reprendre mes études et ma vie en main. Je décidais donc d'en parler à Raoul, d'autant plus qu'il avait promis de me laisser continuer mes études. Dés son retour, je l'ai accueilli avec un sourire et lui ai demandé s'il avait faim.

Raoul : Non, j'ai juste envie de prendre une douche et me coucher.

Moi : Pourquoi tu me salues froidement ?

Raoul : Je suis fatiguée Maguy. Comment tu vas?

Moi : Ça va. Je voulais que l'on discute un peu, mais puisque tu es fatigué, on peut le faire demain.

Raoul : C'est par rapport à quoi?

Moi : Laisse faire. On en parlera demain.

Raoul : Je n'aime pas les caprices. C'est quoi ?

Moi : Je voulais juste continuer mes études comme promis. Je perds du temps et je risque de devenir folle dans cette maison.

Raoul : Qu'est ce qu'elle a cette maison?

Moi : Rien de mal. Juste que tu n'es jamais là et je n'ai personne à qui parler. Je m'ennuie vraiment.

Raoul : Tu as la télé non? Bah regarde là!

Moi : Ce sont toujours les mêmes programmes. Je veux retourner à l'école et poursuivre mes études.

Raoul : Non!!! Tu dois d'abord faire des enfants. C'était la condition.

Moi : Quelle condition ? Tu ne me l'as jamais dit.

Raoul : Je l'ai dit à ta mère. Je veux des enfants. C'est important pour moi.

Moi : Mais on pourra en avoir plus tard. Rien ne presse. Raïssa m'a trouvé un programme intéressant, qui ne me prendra que 4 ans, j'aurais donc 23 ans. Je pourrais toujours être mère.

Raoul : Quand est ce que tu lui as parlé?

Moi : Heuuuhhh... Il ya quelque jours.

Raoul : Comment avez vous communiqué?

Moi : Par internet. Nous nous envoyons des emails. Elle me donne d'excellents conseils et sa mère est une professeure, donc elle sait de quoi elle parle.

Raoul : Je t'avais interdit de lui parler. Je ne l'aime pas. Elle te met plein d'idées idiotes et absurdes dans la tête. Vous n'êtes pas pareilles. Tu es ma femme et elle est une dévergondée qui fait ce qu'elle veut aux Usa. Ne lui parle plus jamais. Fin de la discussion!!

Moi : Mais c'est ma cousine, c'est mon sang. Elle a toujours été là pour moi. Je ne peux .....

Je n'ai pas eu le temps de terminer ma phrase. Il m'a administré une gifle retentissante. Ça faisait tellement mal que mon oreille bourdonnait et une larme a coulé de mon oeil.

Raoul : Ne me contredis plus jamais. J'ai payé très cher pour t'avoir. Quand je te demande de la fermer, tu la fermes!!!

Chronique de Maguy : le bout du tunnelWhere stories live. Discover now