Chapitre 56

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Je criais de douleur en pensant à ma grand-mère si précieuse, si simple, si parfaite, si bonne, en l'imaginant enterrée, abandonnée et seule dans sa tombe. J'ai fait une crise de nerfs. Momar essayait de me maîtriser, il m'a prise par la force dans ses bras et m'a ordonné d'arrêter de crier. J'avais l'impression d'être dans un mauvais rêve. J'avais mal au coeur, j'avais l'impression qu'il m'avait été arraché. Nonnn, pas ma mamie, pas mon ange gardien, ma protectrice, ma maman...

Pourquoi mon Dieu, pourquoi pas moi? Pourquoi ne pas m'avoir prise à sa place? Sa vie valait beaucoup mieux que la mienne!! Elle aidait tout le monde et s'occupait de tous ses petits enfants sans distinction. Certains l'appelaient maman et appelaient leurs mères par leurs prénoms. Elle se réveillait très tôt chaque matin, pour prier et pour s'assurer que nos goûters étaient suffisants. Elle nous aimait de toute son âme. Ehhh, mamie Anta!! Tu es partie si tôt!!!

Partie avant que je n'aie le temps de te payer le millième de ce que tu avais fait pour moi!
Partie avant d'avoir eu le temps de me voir devenir mère!
Partie sans m'avoir rendue visite dans ma nouvelle vie!
Partie sans que je n'aie mon diplôme!
Partie sans me dire au revoir!
Partie sans penser à notre peine!

Comment pourrais-je vivre sans ton rire, sans ton sourire ? Je ne pouvais imaginer que je verrais plus tes fossettes si charmantes, que je voulais avoir à tout prix étant jeune, et qui me poussaient à me mordre l'intérieur des joues sans succès. En ce qui me concernait, je n'oublierai absolument rien de ma tendre mamie. Ses paroles sont comme  marquées à jamais dans mon esprit. Elle me faisait me sentir spéciale, belle, importante et aimée. C'était l'une des premières personnes à m'avoir appris la notion d'amour inconditionnel. Elle était mon héros, elle m'avait toujours défendue et elle était parfaite.

Momar était impuissant face à mon désarroi. J'étais incontrôlable. Il a appelé Papis pour voir s'ils avaient appris la nouvelle. J'entendais les pleurs de Raï, ça m'a anéantie. Je n'en pouvais plus. La dernière discussion avec mamie n'arrêtait pas de tourner en boucle dans mon esprit. J'entendais sa voix, son rire, ses prières. C'était vraiment dur. Je ne pouvais rien faire et Momar n'avait pas réussi à parler avec mes tantes après l'enterrement, elles étaient toutes sous le choc.

Vivre sans mamie Anta fut difficile. Je suis restée à la maison pendant deux semaines, je ne faisais que pleurer et prier. Je mangeais à peine. Je buvais beaucoup d'eau en prenant du Tylenol. J'avais l'impression que ma tête allait exploser. J'avais les yeux bouffis et une mine affreuse. J'avais l'impression d'avoir perdu une partie de moi. Mes collègues et la famille de Papis m'appelaient pour me présenter leurs condoléances, mais dés que j'entendais "I'm sorry for your loss" ou "siggil ndigaller", j'éclatais automatiquement en sanglots. Il m'était impossible de dire un seul mot. Momar avait beaucoup pleuré aussi mais il essayait de le cacher. Nous étions toujours choqués par la mort de Mamie, mais nous nous y faisions petit à petit. Ne pas pouvoir l'appeler le matin au réveil, ou quand j'avais des soucis, quand j'avais besoin de l'attendre formuler des prières, ou la voir lire le coran, était pénible. Momar me soutenait et faisait tout pour m'aider à surmonter ma douleur. La vie avait repris son cours, c'était certes dur, mais il fallait que je continue à vivre. Mamie m'avait donné plein de conseils trois jours avant sa mort. J'allais la rendre fière.

Momar et moi avions aménagé dans notre nouvel appartement, la mort dans l'âme. Tout s'était bien passé. Il suivait des cours d'anglais intensifs et avait trouvé du travail dans une compagnie de déménagement et un autre dans un restaurant, à temps partiel. Ça l'aidait vraiment dans son insertion. Il se tuait à la tache, juste pour me mettre dans de bonnes conditions. Il lui arrivait aussi de travailler avec Moctar, mais avec la distance il s'occupait plus du paperwork (Formalités administratives), sachant qu'il était avocat. Moctar lui faisait vraiment confiance, travailler ensemble les rapprochait beaucoup.

Chronique de Maguy : le bout du tunnelWhere stories live. Discover now