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Menotte aux poignets pour passer incognito, Louka me guida dans les différents couloirs de l'asile. C'est la deuxième fois que je me fais trainé dans l'autre aile de l'institut, celle qui est propre. Après avoir tourné de nombreuse fois à gauche puis à droite, nous arrivons dans un couloir avec des néons qui menace de s'éteindre à tout moment. Par chance, durant notre escapade jusqu'à ce couloir, nous n'avons croisé aucun collègue en uniforme. Où sont-ils? Aucune idée et c'est peut-être mieux ainsi.

Après avoir jeté un coup d'oeil dans les alentours pour être sûr que personne ne nous voit, Louka déverrouille une porte à l'aide de sa carte magnétique. Rapidement, il me fit entrer et referma la porte aussi vite. La pièce est sombre, mais je peux parfaitement décerner que devant moi se trouve d'innombrable écrans éteints. Mon ami allume la lumière et vient me retirer tout bonnement les menottes. Pendant qu'il s'active, je regarde d'un air ébahi la bonne soixantaine d'écran.

- C'est notre pièce pour regarder les caméras.

Je m'en doutais déjà. À quoi aurait servi autant d'écran aussi non? Louka m'invite à prendre place sur un siège et je ne me fis pas prier.

- Ce que tu t'apprêtes de voir...

Il s'arrête en plein milieu de sa phrase car il a un moment d'hésitation puis repris:

- Tu ne serais pas censé de voir ça, mais c'est plus fort que moi. Promet-moi d'en parler à personne, à absolument personne. Compris?

Son regard qu'il vient de poser sur moi est insistant. Qu'allait-il me montrer de si horrible? Après de multiple manipulations sur le clavier se trouvant à sa disposition, il alluma les écrans. Les uns après les autres, ils commencèrent à projeter, pour débuter, le logo de l'établissement, puis les images apparurent.

Sur le premier écran auquel j'ai porté mon attention je pouvais y voir une grande salle. Plusieurs détenus étaient accoudés sur différents murs à simplement attendre que le temps passe, tandis que l'un d'eux ne faisait que se cogner la tête à mainte reprise sur le béton. À ce que j'ai cru percevoir, il a dû ce la taper souvent, car des traces de sang peinturaient cette façade d'origine gris monotone. Sur un second écran, une gang de gens tous habillés en orange qui ne faisait que disputer une banale partie de carte sur table.

À date, il n'y avait rien de monstrueux. Juste un homme un peu dingo qui se massacre tout seul et des gens pour le moins bien tranquille. C'est sur les prochains écrans que ça se corse. Sur celui auquel je viens de poser les yeux, aux moins trois gardes entouraient un détenu et s'amusaient à le frapper, ou plutôt à le tabasser. Ils n'y allaient pas de main morte, je peux l'assurer. Est-ce que ces coups étaient donnés gratuitement ou le prisonnier le méritait vraiment?

Sur la prochaine séquence, on assistait à un moment de camaraderie entre un garde et un tôlard. Effectivement, les deux individus fumaient tranquillement chacun une cigarette. Du moins, c'est ce que j'en avais jugé jusqu'à ce que je vois le gardien le gardien en question écraser sa cigarette dans l'oeil de l'homme pour l'éteindre puis tourner les talons et le laisser souffrir.

- Putain...

C'était le seul mot qui était capable de sortir de ma bouche. J'ai eu une vague de mauvais souvenir quand j'ai aperçu un homme se faire violer par deux autres mecs. Je pourrais parier que ce sont les mêmes qui se sont amusé avec mon anus lorsque je suis entré ici.

- Comment tu fais pour regarder ces horreurs?

Observer tous ce qui se passait entre les murs de l'asile me fit froid dans le dos. Ça se passait tout près de moi, voir à quelque mètres. Encore sur les multiples écrans défilaient des scènes scandaleuses, sinon indécentes: un homme qui cours comme un dévergondé car il est poursuivi par des gardes, le cuisinier qui ne se gêne pas pour cracher dans ce qu'il prépare, un cinglé qui écrit sur un mur avec du sang, un fêlé qui a décidé que le sol était sa nouvelle toilette. Oui, je veux bien dire qu'il chiait par terre. Voilà ce qui m'offrait les nombreuses télévisions de l'asile Morthill.

- Faut juste pas être sensible vis-à-vis ce genre de connerie.

Ce genre de connerie...

J'ai eu envie de rouspéter, mais ça aurait été une perte de temps. Il peut bien dire ce qu'il lui chante. Comme si on pouvait être insensible devant des images aussi immonde. Je me rend bien compte que Louka n'a tout simplement pas de coeur et en a probablement jamais eu. Pendant que je continuais de dire des choses négatives intérieurement à propos de Louka, les images défilaient encore. Mais une, et une seule, me fit sortir de mes pensés. J'ai cru reconnaître l'homme qui se trouvait de l'autre côté du téléviseur et après une bref observation je pouvais confirmer que c'était le Dr. Yamada.

Il était dans un local, surement le même auquel je me suis retrouvé l'autre fois en sa compagnie, mais il n'était pas seul. Non, un autre homme se trouvait à ses côtés. Complètement nu et attaché de partout, il était dans la même position que moi dans le passé.

Le Dr. Yamada s'approcha de lui avec un couteau. Cette fois-ci je n'hallucinait pas, il allait vraiment poignarder l'homme. Je me suis mis à secouer le bras de Louka pour qu'il prête son attention au même écran que moi.

- Regarde! C'est... c'est exactement ce qui s'est passé quand j'étais avec le docteur.

Sauf que le Dr. Yamada ne s'est pas mis à planter son arme blanche à plusieurs reprises dans le ventre de son otage. Au contraire, il lui a carrément coupé le pénis. En voyant ça, j'ai vite agrippé mon entrejambe comme si je ressentais la douleur de la victime.

- "Exactement" tu dis? Me nargue-t-il. À ce que je sache, tu as encore ton membre dans ton pantalon. Le jour que tu te feras désarmer tu m'en reparleras et à ce moment j'aurais peut-être de la compassion.

Il riait. Oui, il riait vraiment. Je ne sais pas ce qui me retenait de lui en mettre une en pleine gueule. Peut-être le fait qu'il vient d'évoquer que je risque d'y passer moi aussi tôt ou tard. Les images se gravaient dans ma mémoire. Je n'étais en sécurité nulle part. Si je voulais survivre, je devais m'endurcir. Sauf que je n'avais aucune idée de comment m'y prendre. Comment faire pour que quand je confronte de telle situation je ne me mette pas à trembler comme une fillette? J'allais surement devoir reposer sur Louka. Je n'en avais pas vraiment envie, mais avais-je le choix? On parle tout de même de ma survie là.

Bienvenue à l'asile MorthillWhere stories live. Discover now