I - Jeudi 16 novembre

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Un soir de novembre, alors qu'il faisait terriblement froid et qu'il y avait des tas d'autres choses à faire un jeudi soir - comme dormir par exemple - j'étais assise sur un banc du parc de l'église. Avec une seule bonne raison qui n'en était pas une : je venais de me faire larguer.

Mon ex-petit ami venait de nous quitter, mon banc et moi, seuls dans la nuit. Sur le coup d'une heure du matin, marqué par le « dong » de l'église, tu es venu vers moi. Je t'avais remarqué depuis quelques minutes, tu rodais autour de moi tel un guépard qui guettait sa proie, et au moment où je m'y attendais le moins, paf ! tu es arrivé.

- Je peux m'asseoir ?

J'ai haussé les épaules. Tu m'as souri, puis t'es assis à côté de moi. Tu avais un gobelet rouge dans la main, ceux qu'on retrouvait dans les soirées américaines qu'on enviait, nous, pauvres adolescents français.

- Ça fait quelques minutes que je te regarde, m'as-tu avoué.

- Ce n'est pas du tout flippant.

- Sarcastique, j'adore.

J'ai rivé mes yeux sur mon portable. Je ne voulais pas te parler, ni à toi ni à personne. En plus de ça, tu avais l'air de ne pas être très neutre, et ça me faisait une raison de plus de me méfier de toi. Mon cœur battait la chamade et je n'osais pourtant pas partir, de peur que tu me suives.

- Tu es triste, as-tu dit après avoir bu une gorgée de ce qu'il y avait dans ton gobelet.

Je suis restée muette, en essayant de ne montrer ni mon malaise, ni mon inquiétude.

- Tu veux en parler ?

- Ça ne te regarde pas, ai-je répondu froidement.

- Je sais, mais ça fait du bien de parler. Et puis je suis un inconnu, alors je ne peux ni te juger, ni répéter à qui que ce soit ce que tu vas me dire. Déjà parce que ça n'intéressera sûrement pas mes amis et aussi parce que j'ai des chances d'oublier ce que tu vas me dire.

J'ai tourné la tête vers toi. Tu fixais l'église en face de nous, le regard vide. Tu parlais plutôt clairement pour quelqu'un qui avait quelques verres dans le nez. Je t'ai détaillé, longuement ; tu étais assez beau garçon alors ça n'était pas désagréable. Combien de filles comme moi rêveraient de se retrouver une nuit à côté d'un beau garçon comme toi ? Pourtant, tu ne m'inspirais pas confiance. Non seulement à cause de l'heure tardive, de ton gobelet et parce que tu étais assis là, à quelques centimètres de moi, mais aussi parce que je venais de me promettre de ne plus jamais faire confiance à la gente masculine.

- Même si j'avais des problèmes vraiment graves et que tu étais le dernier homme sur Terre pour en parler, je ne t'en parlerai pas. En partie parce que tu es un mec.

Tu as croisé mon regard et as esquissé un sourire.

- Toi, tu viens de te faire larguer. Ou alors tu es lesbienne.

- Et alors quoi ? Tu vas t'en aller soit parce que je suis à deux doigts de la dépression, soit parce que j'aime les femmes, tout ça parce que tu avais parié avec tes potes de conclure ce soir mais, zut ! je ne suis pas la bonne personne ? Je ne suis pas ce genre de fille qui te tombe dans les bras sous prétexte que tu es beau et que tu es là pour m'entendre me plaindre du connard qu'était mon ex. Et puis franchement, tu n'es pas mon genre.

Je me suis retournée vers l'église, et ai fixé le clocher. Je ne te connaissais même pas et j'avais déjà envie d'envoyer mon poing dans ta figure.

- J'admire ta franchise.

- Ce n'est pas bien compliqué : tu dis juste ce que tu penses sans te soucier de ce que te diront les autres.

Aubain (inachevée)Where stories live. Discover now